jeudi 1 juillet 2010

Les mues



Pluie princesse des lieux nous a quitté en cédant la place aux rayons torrides d'un soleil radieux. Jouer la muse m'amuse. Je contemplais ,allongée, ce morceau de ciel. J'aime cette parcelle où s'étirent des nuages dolents. leur mue me fascinait. Absorbée par une myriade de sensations éparses, je n'avais pas senti l'assombrissement soudain du ciel.

Il fallait ramasser le linge qui pendait ici et là sur des lignes rectilignes. Beaucoup de joie se sentait dans cette course contre le mauvais temps. La pluie est la bienvenue là-bas où je suis née. Elle adoucit l'humeur, adoucit l'atmosphère, déride les visages anxieux et brûlés.

Petite, ma grand mère me conseillait de dénouer mes cheveux, de les exposer aux gouttelettes de pluie. Parait-il, la pluie avait des pouvoirs surnaturels bénéfiques aux cellules capillaires. Je souris et continuai à ramasser le linge.

Comment dire le vent qui jouait de mes cheveux dans tous les sens? Sinon se laisser imprégner par sa paroi et avancer dans sa direction , le pénétrer en sachant que derrière, au loin des particules de ma peau et mon odeur , arrachées de ce contact,  l'accompagnaient dans sa course fougueuse.
Pluie princesse des lieux donne une nouvelle vue au paysage avancé. Je me mis à repenser à cette histoire de Muse.

Socrate racontait un jour à ses amis qu'avant la naissance des Muses, les cigales étaient des hommes. Mais quand la voix modulée vint au monde, il y eut des êtres si amoureux de chanter que leur gorge ne perdit jamais, par la mue, son pouvoir de soprano. Ils chantaient. Cette passion leur fit oublier le boire et le manger. Ils passaient ainsi de la vie à la mort sans même s'en apercevoir. De ces hommes naquirent les cigales. les Muses leur accordèrent le privilège de pouvoir se passer de nourriture. Dès le moment de leur éclosion, et jusqu'à leur mort, elles chantent inlassablement, sans aucun besoin d'eau ni de sel.
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