
Dans le vide de la parole se manifeste l’homme, en tant qu’un sujet de nature indéterminé. L’homme n’est pas un être achevé. La parole est essentielle à l’homme car elle lui permet de tenter de tout comprendre, de tout dire, de s’assimiler ce qui lui semble le plus étranger, agir dans des situations, bref, exister.
mardi 26 mai 2009
Dans les limbes de l'esprit.

Le malheur Merveilleux
Elle… Lol… être de papier, elle vole, flotte vers un destin dont elle n’est même pas le maître. Elle est l’enjeu de ses pulsions obsessionnelles. Ses pas résonnants incertains la guident vers une destination où le rêve devient réalité. Ravie ou rêvée ? N’est-elle pas l’enjeu de ses rêves ? Rêve d’un amour passionnel qui n’a même pas commencé et qui l’entraîne vers la dérision et le non-sens.
Elle se dirige vers le rêve fantasmagorique, vers un monde illusoire ou le clivage de soi lui permet de continuer de vivre pour et à travers son rêve, son amour à jamais perdu, retrouvé le moment d’un songe, le moment de sa promenade. Elle se sent lourde, comme une pierre- stone- elle se traîne, avance, continue sa marche douloureuse. Que veut-elle vivre à travers cette expérience de dédoublement de soi ? Triompher de ses désirs ou se réaliser à travers l’autre_ jouer à trois_dans un monde où le jeu domine, où tout est possible, où Lui -le narrateur- devient son amant et son double.
Nous sommes en présence d’un narrateur qui se fait conteur non de ce qui s’est passé réellement mais de ce qu’il a vécu, c'est-à-dire d’une histoire qu’il ignore et qu’il découvre avec nous lecteurs, observée, supputée, interprétée voire parfois même inventée.
Et bien entendu, le texte ne sépare pas un récit des banalités et étrangetés pittoresque de la vie quotidienne d’une part, et d’autre part l’épisode fantasmatique. Il n’y a qu’un seul mouvement de narration, tout le discours est habité, infiltré par le prodigue sur lequel il culmine et qu’il avait en fait agencé. Mais on remarque ceci, que la cohésion va au-delà de ce que Elle peut avoir voulu ou cherché consciemment. En foi de quoi d’ailleurs, « Freud a félicité maintes fois les poètes ou les artistes d’être, comme par divination, divins devins, les maîtres à penser des psychanalystes », Lol…
Le langage parlé se met à défaillir. Au lieu de ce moins on peut avoir du trop, un propos qu’on efface aussitôt formulé qu’on remplace par son contraire crée aussi un vide du discours :
je ne vous aime pas cependant je vous aime, vous me comprenez ?
La désillusion une trahison, une mise en scène cruelle
C’est dans cette expérience qu’une ‘Aile se trouverait jeté hors, dans ce hors lieu, hors texte, cette marge fascinante.
Ce lieu nous reste toujours étrange et étranger, ainsi quand Lol se voit ravir son « o » elle est elle-même ravie, elle cesse de vivre, cesse de parler, et n’est plus parlée que par les autres, elle glisse dans cette folie douce, elle n’a littéralement plus rien à dire…se tut. M, mutisme ou mort.
Or, Elle s’immobilise sous le coup
O, omission
Le traumatisme originel l’inscrit dans une dimension apparemment moins romantique, nous passons de la forme la plus cruelle de la séparation qu’est la mort l’équivalent d’une souffrance crue, violente à celle qu’éprouve Lol et qui est beaucoup plus complexe « l’omission de toute souffrance » lors de son abandon : c’est peut-être à travers cette différence, souffrir/ne pas souffrir qui sépare la frontière ténue qui sépare la crise violente qui entame la raison du délire presque schizophrénique de lol.
Dans l’oubli, Lol ne s’est pas délivrée de sa douleur qui a duré dix ans, sur dix-sept ans …
Quand Le fantasme renaît, c’est d’une manière insistante et obsédante et les efforts pour la retenir _ de toujours aller et venir d’un bout à l’autre du temps _resterons vains: Lol continuera sans cesse à mettre en scène son délire jusqu ‘à ce que peut être, on l’enferme, comme elle le redoute :
Mais si un jour je …elle cogne sur le mot qu’elle ne trouve pas.
Ceci montre que Lol est consciente de sa propre folie, mais elle n’y résiste pas. Dans sa folie seulement se trouve sa plénitude, son accomplissement. Et son délire, s’il la sépare des autres ne la fait pas souffrir, la rend même profondément heureuse, son entourage et surtout sa mère ne supporte pas ce bonheur, et ce n’est pas seulement parce qu’il menace son Aile, mais parce qu’il est un scandaleux bonheur à proprement parler, le bonheur de l’acception de la folie.
La folie la plus attachante dans la série des « enfollées »
Lol, elle : ailes de papier, ciseau, la pierre, au jeu de la mourre tu te perds. On répond : O bouche ouverte, que veux-je faire trois bonds sur l’eau, hors- jeu de l’amour, où plongé-je ?
Les deux L /ailes de Lol encadrent un O/zéro,symbole du néant et du vide,ce vide même qui est au cœur de Lol,à moins que se ne soit l’eau qui fuit et échappe à toute emprise du réel.
Il embrassa cette main, elle, avait une « o » odeur fade, de poussière et de boue…
L au centre d’une triangulation dont l’aurore et eux deux sont les termes éternels …
Le mot- absence, le mot- trou creusé en son centre d’un trou, de ce trou où tous les autres mots auraient été enterrés.
Jusqu’au moment où l’événement n’a pas eu lieu, le présent se dit au futur. C’est ce futur antérieur, le temps de l’Inconscient. Il n’existe pas de temps spécifique de l’inconscient, mais celui-ci produit génériquement des décalages, et parmi les règles de concordance des temps, celui du futur antérieur.
Dans le « ravissement », pour la première fois, cette équation étrangement inquiétante : Folie = bonheur, parait claire. l. Elle-même qui parle de son bonheur. Et la folie, peu à peu se passe ici comme désirable par celle qui la vit.
Mais qu’est ce donc que cette vacuité ? « Cherche le chemin pour se perdre », et le trouve : absence à soi- même qui peut se manifester par l’oubli, qui supprime toute souffrance, ou par l’insensibilité qui en préserve. L’état final, celui qui peut porter le nom de folie, se présente comme un état refuge, un havre de tranquillité où s’effacent l’ennui et l’angoisse.
Il n’y a pas à dénouer un mystère qu’on atteindrait après une progression initiatique. Rien n’est à franchir : écrire est transgression pure. Vibrations spasmodiques.
Les vibrations qui se dégagent du texte jouissent minutieusement leur transparence désintègrent la souffrance. L’écriture semble s’éblouir elle-même. Tout s’efface par l’intensité et le rayonnement des mots qui expriment l’inaccessible où étincelle le « dieu du désir », où tout chemine vers le vide et le non-sens.
PS: ce texte a déja été publié sur le blog Dakchi, je le reprends ici jalousement comme une maman aime garder ses enfants sous les yeux. LOL.
dimanche 24 mai 2009
Sourire...LOL

mercredi 20 mai 2009
Verre Cassé

Verre cassé est un discours secondaire, roman par excellence de l’intertextualité.
Verre cassé, de l’écrivain congolais Alain Mabanckou est une vaste critique sociale. Tout s’y mêle et s’agence bien : l’ironie, la dérision, la parodie, le pastiche, la référence, l’allusion. Les narrateurs rient beaucoup pour faire passer le tragique.
Verre cassé affiche l’intertextualité dans une logique d’école de critique : lecture de repérage.
Dès le titre quelque chose est cassée, le lieu de l’action est un bar d’où l’intérêt de se demander quelles histoires seront abordées par le narrateur et si l’on prend en considération la dimension polyphonique du roman, on parlera de pluralité de voix.
Les protagonistes sont des personnages picaresques qui veulent s’en sortir et que le romancier veut élever au rang de héros. Ascension impossible, cependant le voyage dans l’espace et dans le temps continue, l’écriture voyage d’un bout à l’autre de la mémoire et du monde.
Aborder l’histoire d’un retour au pays natal (le cahier d’un retour au pays natal de Aimé Césaire p 23). On est perpétuellement dans le second, voire le troisième degré.
Au delà de l’histoire ou des histoires racontées, tout dans verre cassé est traversé par l’intertextualité : la nomination de l’espace, des personnages, des lieux, des événements, la syntaxe etc.
La focalisation du récit sur un lieu salubre, un bar, en fait du roman une écriture de rumeur, qui touche les secrets des personnes et donc accorde à l’oralité de l’écriture une importance importante. Dans ces lieux interlopes l’écriture devient le réceptacle de néologisme. La syntaxe est du coup non classique : absence de point, de majuscule. Le texte mime cette oralité feinte et en adopte structurellement parlant la cadence. Cependant, ce texte trahit un travail de recherche dans l’écriture et aussi dans la construction. La coquetterie et la finesse de l’auteur se sentent derrière ce rideau de vulgarité et de déconstruction.
Verre cassé peut être qualifiée comme un débat de l’écriture et de l’oralité. Une ouverture large de la bibliothèque de l’écrivain et une fenêtre sur sa culture livresque et aussi culture orale. L’intertextualité qui veut taire les sources africaines, échapper à ce déterminisme sert aussi comme voyage dans le temps, montrer que les frontières sont poreuses, perméables au mélange des genres. C’est aussi une remontée, un voyage initiatique, une catharsis, un détachement d’avec cette quête identitaire, avec le mythe des origines.
L’intertextualité se lit aussi à travers la forme du texte et non seulement le contenu. En effet, verre cassé est construit sur le modèle des textes grecs : prologue,les digressions, la fin annonce le prolepse de tout le roman.
Par le biais d’une syntaxe brisée ,, le néologisme, les formes populaires, la présence de l’oralité : le débit la cadence de l’oralité se lisent au niveau de l’écriture. des héros qualifiés d’anti-héros , histoire de petit gens miséreux, Alain mabanckou reste fidèle à son époque et à la génération des nouveaux écrivains africains en s’éloignant des thèmes classiques traités par l’ancienne génération tels que : la patrie, la mère, la race . la bibliothèque du narrateur échappe à ce déterminisme qui a contraint les anciennes générations qui n’écrivent que sur des icônes. L’histoire est écartelée, les personnages avachis par l’inaction et la beuverie, la parole demeure comme le seul acte libérateur.
Avec verre cassé, la dérision devient intellectuelle et intertextuelle. Cependant, la dérision commence en Afrique vers 1968 avec Le devoir de violence, de Yambo Oualoguen. Qu’est ce à dire ? Verre cassé remet en question toute cette littérature ingurgitée, ce savoir appris par cœur, un savoir académique ancien, dépassé mais incontournable. Le problème de la génération d’Alain Mabanckou est double : esthétique dans le sens de la recherche de nouveauté, mais surtout une tentative de réhabiliter la culture africaine.
L’intertextualité devient une notion beaucoup plus opératoire qui invite à des analyses précises et minutieuses. Le roman constitue une mise en abîme à d’autres romans anciens ou contemporains. Par exemple quand il écrit à la page 171 : « je me souviendrai toujours de ma première traversée d’un pays d’Afrique, c’était la guinée, j’étais l’enfant noir (Camara Laye),j’étais fasciné par le labeur des forgerons, j’étais intrigué par la reptation d’un serpent mystique qui avalait un roseau que je croyais tenir réellement dans ses mains, et très vite je retournais au pays natal (aimé Césaire), je goûtais aux fruits si doux de l’arbre à pain (Tchicaya U Tam’si), j’habitais dans une chambre d’hôtel la vie et demi (Labou Tansi), qui n’existe plus de nos jours où chaque soir, entre jazz et vin de palme(Dongala), mon père aurait exulté de joie, et je me réchauffais au feu des origines (Dongala).. ». Les exemples abondent dans l’œuvre.
Pour régler certains problèmes d’ordre religieux ou politico social, Alain Mabanckou fait recours à la dérision totale comme but et fin de l’intertextualité. La formule « j’accuse » reste une allusion très forte et une critique de ce qui se passe dans les hautes sphères politiques « les nègres du cabinet présidentiel se sont mis au travail forcé avec une sagaie de Chaka Zoulou et une épée de Damoclès qui pondait au dessus de leur tête » (V.Cp22) aujourd’hui l’épée de Damoclès reste dans le langage courant pour signifier le danger qui plane sur quelqu’un. Alors que par la dialectique de la sagaie, l’auteur fait un clin d’œil à un homme au charisme exceptionnel, Chaka Zoulou qui a favorisé l’émergence d’une grande nation homogène, prospère et respectée. Mais avant de bâtir, le cyclone que cet impitoyable « nègre » de l’apocalypse a fait souffler sur son passage, aura saccagé avec une rare démesure les anciens piliers d’une configuration ethnosociale complexe.
Par le biais du pastiche, plusieurs formules et adages sont remis en question : « les gens oublient malheureusement qui en ont été les vrais auteurs et ne rendent pas à Césaire ce qui est à Césaire » (V C p23) en pastichant certaines citations politiques comme « la religion est l’opium du peuple »ou faire allusion à l'« hostie noire » la pièce les Nègres de Jean Genet, ou encore certains proverbes bibliques comme « il faut rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu », il remet en question les affirmations concises d’usage commun, exprimant des croyances répondues, des vérités empiriques et des conseils populaires. Cette sagesse populaire qui a ses racines parfois dans le politique, le plus souvent dans la religion ou s’enracine dans le folklore est véhiculée par la tradition orale. Dans verre cassé, l’auteur n’a épargné aucun domaine sans en citer des exemples ou des références, comme avec cet exemple un clin d’œil à l’équipe de foot : « tout le monde sait que le Cameroun restera toujours le Cameroun, et il ne viendra à l’idée d’aucun pays du monde de lui voler ses réalités et ses lions qui sont de toute façon indomptables… » (v.c p25).
C'est un très beau texte que je vous recommande absolument. vous serez surpris...
Pour plus d'informations sur le livre ou sur l'auteur Alain Mabanckou, veuillez consulter ma liste des blogs.
lundi 18 mai 2009
Onomatopée de la Douleur
La fin du printemps
Le parfum des fleurs, le pollen s’envole et irrite la sensibilité..Il voyage loin, loin de nous féconder d’autres roses, rouges, mauves, lilas et oeillets
Les pétales macèrent. Il faut attendre jusqu’au prochain pour voir d’autres bourgeons éclore.
La saison des morts au lieu des amours.
Le dépouillement ordonné reflète son désordre. Les fenêtres s’ouvrent et se ferment, le bruit des serrures, cliquetis bruit sourd de l’absence.
La nature se déchaîne, des bibliothèques brûlent, des feuilles s’envolent, les manuscrits se déchirent…
Le vent souffle fort et tourmente tout ce qui aspire vers cette verticalité.
Démence ou semence ?
Le printemps le regard déchiré, l’âme fugace est loin même au plus près de nous. Il n’est plus qu’une rumeur…
Une chanson ghiwaniennne : wahya win awin win emplit les cieux qui se vident jusqu’à la finitude.
Ni le condor, ni l’aigle royal, ni les vaillants guerriers n’accompagneront la nouvelle mélodie.
La nuit tombe.
La brise rafraîchissante nous ramène avec chaque grain, chaque murmure de folles histoires.
Clame haut poète, clame haut et brise les chaînes de l’inouï…
hurle les onomatopées de la douleur.
dimanche 10 mai 2009
La prisonnière
jeudi 7 mai 2009
Quand l'écriture rime avec plaisir et apprentissage.

Mon rapport avec les belles lettres ne date pas d'aujourd'hui, c'est un long parcours passionné et passionnant. Le texte que j'ai prévu de partager avec vous ce soir est extrait d'une oeuvre foisonnante, un traité sur l'art, A la recherche du temps perdu a marqué ma vie à jamais . Ce fut un rapport ambigu: de doute et de certitude, un doux ravissement et une tumultueuse passion. Foudroyée. Tomber amoureuse d'une écriture? Oui, je l'avoue passionnément. et depuis, toutes mes réponses (presque) je les cherche dans les livres.
vendredi 1 mai 2009
Balzac et la petite tailleuse chinoise.

Dai Siji, Balzac et la petite tailleuse chinoise, Edition Gallimard, collection Folio, 2000
Un livre qui renferme plusieurs indices autobiographiques. à partir du titre, le lecteur est saisi par un mélange féerique entre tradition narratologique chinoise et le monde occidental par le biais de l’écrivain de La Comédie humaine, à savoir Balzac. Le décalage entre la fiction et la réalité va être réduit.
C’est un livre qui retrace une période historique pénible que le peuple chinois a dû supporter : voir ses écoles fermer, accusées d’être un lieu de dépravation et de formation d’ennemis de la révolution de Mao.
On peut même penser que l’auteur a voulu dénoncer des événements dont il a été lui-même victime_ d’une part, parce que le discours des deux amis raille le pouvoir et l’idéologie communiste (pour légitimer une sonate de Mozart, Luo a dû l’associer au nom du père de la révolution rouge « Mozart pense au président Mao ») d’autre part parce que Dai Siji, n’est pas sans de multiples points communs avec le narrateur de son récit
Le texte s’ouvre sur deux jeunes chinois, exilés « politiques » du pouvoir communiste en place, destinés à être rééduqués par des paysans ignorants. Dans la montagne du Phénix du Ciel, lieu si éloigné de la civilisation, Luo et le narrateur se transformèrent en saltimbanques : ils jouaient du violon ou racontaient des histoires, des films, etc. histoire triste mais traversée par un humour acerbe qui relate des faits parfois à l’odeur nauséabonde, scatologiques comme la corvée des transport des sceaux d’excréments.
Leur douloureux apprentissage ne fait que commencer et l’intelligence de Luo leur a valu bien des privilèges.
Le deuxième chapitre de ce roman est organisé autour d’un unique enjeu : « le Binoclard possédait une valise secrète, qu’il dissimulait soigneusement ». En effet ce personnage avait en possession une valise de livres bannis. Dès lors, la lecture sera leur seule consolation dans ces contrées tellement éloignées de toute forme de civilisation. Ainsi, BALZAC sera leur première bouffée d’air libre qui sera d’ailleurs le début d’un désir inassouvi de lecture, de la seule échappatoire possible vers le monde imaginaire et tellement convoité par nos jeunes « intellectuels » révoltés.
Aidés par la petite tailleuse chinoise, nos deux jeunes héros ne ménagent aucun effort pour s’approprier la valise secrète, et donc de nombreuses péripéties, et aventures dont la plupart scabreuses vont être relatées toujours avec un sens de l’humour hors pair. Une idée des plus séduisante de ce livre est que le butin tant convoité est composé de livres. Interdits, certes, mais rien ne séduit autant que les fruits défendus, nous en avons un témoignage vivant dans ce roman du rêve, de la vie, de l’amour :
« Souvent, après minuit, on éteignait la lampe à pétrole dans notre maison sur pilotis, et on s’allongeait chacun dans son lit pour fumer dans le noir. Des titres de livres fusaient de nos bouches, il y avait dans ces noms des mondes inconnus, quelque chose de mystérieux et d’exquis dans la résonance des mots, dans l’ordre des caractères… » (p80)
Le troisième et dernier chapitre est un chemin d’apprentissage livresque, d’ouverture, de métamorphose et de déception aussi. La petite tailleuse chinoise pervertie au contact des héroïnes balzaciennes, décide enfin de partir en ville pour tenter sa chance. Ce dénouement est très inattendu, Luo voulait « créer une jeune fille belle et cultivée » mais il sous estime le pouvoir livresque qui transforme la chrysalide en un joli papillon, frêle certes, mais décidé à vivre son rêve de liberté jusqu’à la dissolution.
Luo, dans un moment de grand dépit mais de grand courage aussi, envoient tous ces personnages de papiers, qui ont su alimenter, jadis, leur froide solitude dans un enfer où ils sont réduits en cendre.
Balzac et la petite tailleuse chinoise est un roman aussi du plaisir : né du plaisir de la lecture et provoquant le plaisir de la lecture, grâce sans doute, à un plaisir de l’écriture.
D’un désir à l’autre, ainsi va la littérature.
En voici un extrait du résumé sur Wikipedia:
"Ayant pris possession des romans, quelques œuvres des plus grands auteurs occidentaux du xixe siècle, une nouvelle vision de la vie s’ouvre à eux. Luo fait alors un serment : « Avec ces livres, je transformerai la Petite tailleuse. Elle ne sera plus jamais une simple montagnarde ». Peu à peu, la lecture de l’œuvre de Balzac, en particulier, transforme la jeune fille qui devient une femme épanouie désireuse de découvrir la vie par elle-même. Les livres l’ont totalement transformée et ce n’est plus l’innocente paysanne qui déclare: « Balzac m’a fait comprendre une chose : la beauté d’une femme est un trésor qui n’a pas de prix ».
A la fin de l'histoire la petite tailleuse s'en va pour la ville, les livres l'ont changée et l'ont rendue désireuse de vivre des aventures avec d'autres hommes meilleurs." http://fr.wikipedia.org/wiki/Balzac_et_la_Petite_Tailleuse_chinoise