mercredi 8 juillet 2009

Le Balcon : de la perdition et de la perversion humaine

Dehors, la révolution gronde. Au bordel, Mme Irma règne jalousement sur son petit monde. Dehors, l’autorité vacille. Au bordel, un évêque ? Un juge ? Un général ? Fantasment à qui mieux mieux. Dehors, la ville est à feu et à sang. Mais que fait donc la police ?

Dans cette pièce, fable sordide appartenant à la mythologie contemporaine, Genet divise les espaces : La pièce vacille entre un intérieur luxueux, fantaisiste, éphémère et un dehors « no man’s land » des révolutions individuelles enfouies. L’auteur ne distingue ni époque ni pays précis, elle s’inscrit dans un « maintenant » intemporel.

Jean Genet divise les hommes, les uns ceux de la maison close, s’abandonnent dans une virtualité totale ; les autres ceux de dehors, également en perdition mais dans une réalité beaucoup plus concrète, s’adonnent à une lutte rebelle. L’urgence de la situation est grande, les maux aussi.

Le Balcon est par sa multiplicité et sa complicité, une pièce foisonnante qui permet l’exploration et la dissection des facettes humaines.

Le Balcon, théâtre de la transition entre une crise individuelle et une crise collective, inscrivait déjà ce thème. Et alors que la révolution s’engage dans la ville, le « Grand balcon », maison de prostitution, apparaît comme une réelle existence, comme l’essence du théâtral.

« Un des thème de cette pièce la mort définitive de mythes déjà exténués et la naissance d’un autre, arrogant sans doute, mais qui serait peut-être s’accepter cette naissance au fond d’une misère et d’une objection mythique. » Roger Blin.

Cette présentation est remarquablement structurelle pour un théâtre de la guerre en déplaçant paradoxalement son référent. Elle postule peut-être pour une représentation de la guerre plus universelle. Elle fait du théâtre une pratique transitoire.

Dans le Balcon, il s’agit d’une réalité fictive bien qu’elle soit pétrie de mensonges. Les clients du balcon s’identifient à leurs créations en vue de satisfaire un désir subliminal qui se caractérise par un rapprochement de la révolution. La différence réside en ce qu’en dehors du balcon, les mensonges passent par des vérités.

La maison d’illusion est définit comme tant un lieu « Qui représente la société, (où) de petite gens jouent la réalisation de leur rêves ». De là le statut de la maison d’illusion se définit ouvertement comme artificiel. Irma, ne dissimule aucunement le mensonge que recouvrent les mythes sociaux dont s’inspirent ses clients. Elle n’abuse personne, C’est par cette franchise qu’elle oppose sa maison à la société hypocrite.

La victoire d’Irma fut la transformation du balcon d’un bordel, reconnu depuis longtemps comme un paradis du toc, en un lieu phare pour le peuple vaincu. Celui-ci ne peut plus croire en l’authenticité des dignitaires qui le gouvernent. En faisant tomber leurs masques, ils abandonnent du coup leur identité. L’institution d’Irma est désormais le siège du pouvoir.

Le balcon, maison d’illusion, est le premier espace qui marque la réalité à l’intérieur de la pièce, lieu de la révolution, il n’en est pas moins lieu de fantasme où le pouvoir naît et prend forme.

Le deuxième espace, indique la réalité extérieure, à savoir celle des spectateurs hors du théâtre, il y est fait allusion à la fin de la pièce :

« Carmen ?...Carmen ?...Tire les verrous, mon chéri, et place les housses… (Elle continue d’éteindre.)Tout à l’heure, il va falloir recommencer…tout rallumer … s’habiller… (On entend le chant d’un coq.)… s’habiller…ah, les déguisements ! Redistribuer les rôles…endosse le mien… (Elle s’arrête au milieu de la scène, face au public.)…préparer le votre…juges, généreux, évêques, chambellans, révoltés qui laissez la révolte se figer, je vais préparer mes costumes et mes salons pour demain… il faut rentrer chez vous, où tout, n’en doutez pas, sera encore plus faux qu’ici…Il faut vous en aller… vous passez à droite, par la ruelle… (Elle éteint une dernière lumière.) C’est déjà le matin. Un crépitement de mitrailleuse. » Rideau.


10 commentaires:

  1. « Un des thème de cette pièce la mort définitive de mythes déjà exténués et la naissance d’un autre, arrogant sans doute, mais qui serait peut-être s’accepter cette naissance au fond d’une misère et d’une objection mythique. » cette citation en dit plus long qu'elle ne tait, qu'en est-il du Balcon kalimate?
    Amitié,
    Youssef.

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  2. c'est très gentil de ta part de continuer à lire mes textes tordus et d'essayer d'en tirer un sens!
    ce soir, tu auras ta réponse mais n'oublie pas la symbolique: le balcon c'est la vitrine qui donne sur l'extérieur, qui domine...
    à ce soir.

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  3. Certainement belle cette pièce de théâtre de Genet, si on pouvait la voir, s'en délecter...
    Le grand balcon ce lieu taxé de tous les vices passe pour un boudoir ou les aliénés de la société viennent s'y réfugier pour échapper un instant au monde réel combien violent et injuste mais qui tire sa légalité de l'idéologie des pouvoirs des dirigeants qui servent l'enfer aux hommes pour s'approprier en exclusive un paradis artificiel. La plèbe trouvera bien son exutoire dans les refuges clos de réputation licencieuse mais à y penser passe plutôt comme subterfuge plus près de l'humain pour réfuter le monde établi, le monde extérieur.

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  4. Promontoire, Balcon ou préau à mensonges ?
    Regarder "le monde d'en haut" sans prendre le temps de voir en soi, telle est la substance des succés damnés que l'on lave dans la souillure de l'autre.
    Ah ! Ces femmes de feu pourvoyeuses d'une joie, qui bien qu'aussi éphémère que factice, sublime le chaos naissant et le hurlement de la décadence en marche.
    Kali, tu me fais découvrir un auteur, compositeur de scènes mentales si réalistes qu'elles en ont occulté la réalité de ce moment dépensé à te lire...

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  5. qu'est ce que tu dis MG? méfie-toi mon ami de tes souhaits... voir Le balcon adaptée par nos grandissimes acteurs et trices du théâtre? Wa Mou3tassimah! Wa Molièrah!wa shakespeare! wa 7 atou Rijal qui ai-je oublié d'appeler? mourir de rire, adaptée ou pas, tu verras et tu te délecteras mon cher ami de ta3roubite. on est spécialiste dans la déformation jusqu'à no limite.
    le jeu de Miroir se changera en Miroir du je . ma cha' allah nos "je"/
    -louali sera le général
    _miftah (lfqih, du moment on n'a pas d'évêque)
    _ayouch ou Amina Rachid pour le rôle d'irma
    carmen :on n'aura que l'embarras du choix
    le juge: mMohammed ljem
    le chef de police: le jeune inspecteur qui a joué fi "Babel"
    et arak lfraja.

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  6. tu ne regretteras jamais d'avoir lu Genet, un incontournable génie, quoique l'homme a eu son lot de malheurs, de maux et a choisi de reposer à l'Arache au nord du Maroc où les enfants de jadis s'en souviennent encore.
    un personnage singulier.

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  7. Oui youssef! on est entrain d'ériger notre Mythe arrogant contemporain qui nous dirigera à son tour.. jeu de main ,jeu de scène, jeu de maître,jouons demain, jeu de passe-passe, si c'est à refaire, tombons les masques...

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  8. Ton balcon me rappelle l'histoire de "lkhobz lhafi" pain nu de de notre héros et écrivain "MOHAMED CHOUKRI" qui pour lui l'ecriture est une protestation en non une parade et a d'ailleurs, lu et s'est inspiré de JEAN GENET..
    Or ton essai sur le livre "balcon...de JG" éblouissant, peu osé certes, a laissé mon imaginaire voyager dans deux mondes parallèles celui d'un monde vicier du plaisir charnel et celui de la lutte sanglante "pseudo patriotique" de la rue . Le spectateur du balcon " peut être contemporain, Ou d'un autre monde , n'a qu'à regarder en face puis derrière lui les décors contradictoires de la vie ...vas y RIM continue tes recherches pionnières les sources sont nombreuses bon courage...

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  9. Aziz! qu'est ce que tu racontes? sourire. le Balcon est effectivement une pièce théâtrale de jean Genet et n'a absolument rien à voir avec Le pain nu de Choukri( qui est une autobiographie "romancée" de l'écrivain)
    merci Aziz de continuer à me lire.

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  10. Oui RIM je vais lire le livre de JG si je le retrouve..., mais le parallelisme fait avec "le Pain nu" n'est qu'à titre indicatif ...toutes ressemblances...n'est que fictive... GRAND SOURIRE... et tout le plaisir pour moi de lire et commenter tes articles...A BIENOT MON AMIE..

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