mardi 21 avril 2009

L'Ombre du poète.




Mahi BINEBINE, L’ombre du poète, Edition Stock, Paris, 1997.

Ainsi se termine ce roman, ou ce parcours poétique, comme il a commencé des années avant, sur le Mont des Esclaves (« koudiyat la3bid » en arabe). Un bel hymne à l’amitié, à la vie, à la fidélité. Un dilemme pas des moindres: pouvoir et amitié, innocence et réalité amère, paraître et être, rêve et désir, sensualité et sexualité…

Tant de dualités traversent ce roman qui retrace le parcours de plusieurs destinés, entre superstition, protection et déception.

Les parcours les plus importants sont ceux des deux amis : Nayel, le narrateur et son meilleur ami Yamou. Ce dernier fils de barbier, mais pas n’importe lequel, celui du palais, du Pacha, la plus haute instance dans le pays, ami des français et donc ennemi du roi déchu et du peuple. Yamou fut privé de finir ses études quoique qu’il soit désireux de les poursuivre. Son père, monsieur Marwane considérait son avenir autrement être barbier et lui léguer son commerce. Le sort de Nayel fut autrement. Ayant perdu son père à sa naissance, il fut pupille de son excellence le pacha et donc il fut une partie intégrante de la vie du palais. Camarade de classe du fils du pacha, même si lui considérait cela autrement :

« Tout dans ce collège, avait été organisé pour servir au mieux l’instruction de Yacine. Nous autres élèves n’étions, en fait, que des accessoires, des figurants culturels. » (p52)

Sa condition est celle d’un étranger dans l’enceinte du palais, à même titre que la bête : « l’algazelle », Yacine était le centre des préoccupations, le reste était là pour le besoin du décors.

Roman bourrée d’histoire, d’historiettes, d’anecdotes, de thèmes divers, de mendicité, de quolibets, de complots, de calomnies etc. Le roman est traversé par des histoires de racontars : historiettes scabreuses relatives aux serviteurs du palais ou des énuqués au service du pacha où il est question de superstition, de malédiction, fabulations irréelles, fantastiques autours d’insectes ou d’animaux étranges. On rencontre aussi plusieurs figures de l’autre…

Les plus beaux moments du narrateur, il les passait avec son ami Yamou à arpenter les oliveraies, les sentiers, s’émerveiller devant rien, inventer des dialogues fascinants, poétiques, parfois même philosophiques :

« Dieu comme il faisait bon choir dans l’intimité de Yamou, dans l’enchevêtrement de son jardin secret. Tantôt feutré, nébuleux, tantôt vif, pétulant, un jardin dont les passerelles ombragées liaient l’enfer au paradis… ainsi tel un fétu qu’un soupir emporte, je m’envolais dans les arcanes de mon farouche ami. » (p62)

L’écriture chez BINEBINE, par moment, nous fait captifs ; des fulgurances poétiques, un texte d’extrême beauté où il fait bon de plonger, de faire partie de cet univers qu’on ne connaît que trop bien, mais que la culture riche de l’écrivain artiste orne de sa palette de couleurs.

L’ombre du poète, c’est aussi le dit et le non-dit, un jeu entre le clair et l’obscure. Entre rêve de grandeur et chute vertigineuse. Yamou fut le poète et Nayel son ombre, une ombre défraîchie, froissée de vieillesse, de douleur et de solitude :

« Allongé, dos contre terre comme au temps jadis, le talisman défraîchi pendu à mon cou, je reste là, muet, immobile. Dans mes yeux dessillés où s’épanche le ciel infini, je revois, grand comme toutes les étoiles assemblées, le visage rayonnant de Yamou. » (p238)

…mais tous les poètes croient que celui qui est couché sur l’herbe ou sur un versant solitaire, les oreilles dressées, apprends quelque chose de ce qui se passe entre ciel et terre… Ainsi parlait Zarathoustra.

16 commentaires:

  1. Salut
    Je vous remercie pour vos paroles et de la visite sur mon blog.
    Tous les meilleurs pour vous.
    Kisses de son ami

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  2. Je connais bien les travaux picturaux de Mahi mais tres peu sa litterature. Ca fait un bon moment que je voulais plonger dans sa litterature mais ..., lequel tu recommandes pour commencer? Je m'en vais repondre à ton com sur notre blog

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  3. Kalimero, tu connais déjà les voix de marrakech,de canetti cela te facilitera la lecture du Griot de Marrakech, un petit livre mais formidable. j'ai prévu de faire un post ou je vais comparer les deux textes. toujours dans ma rubrique: Marrakech -y -est ( marrakchiyates).
    Commence par le Griot de Marrakech, facile à lire et très riche pour ceux qui veulent apprendre des choses sur marrakech et pas uniquement de la place jamaa elfna.
    sinon l'ombre du poète reste un un beau texte.

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  4. luis, cher ami, ta visite me fais plaisir.n'oublie pas les fotos que tu m'as promis.

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  5. Il y a comme une tendance qui se construit en ce moment entre kalimate sur Marrakech et Kb sur Tanger. Je trouve ca super et me pose la question quoi ecrire sur Rabat et l'embouchure du Bouregreg avec l'incontournable the à la menthe et Kaab Ghezal aux jardins des oudayas, mais je ne sais par ou commencer. Et si on demandais à tout les bloggeurs de nous faire vivre des souvenirs de leur ville respectives?

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  6. pourquoi pas? kaliméro ça sera un beau texte certainement, surtout s'il est écrit avec ta sensibilité et un peu de magie (style imagé).
    en écoutant alqamarou al ahmarou...raqraaaaqou daka al3adhim....
    wa fi mawjihi yastahimmou alkhouloud...

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  7. Plus j'y pense, plus je trouve l'idée noble, interessante et sympa. Un petit receuil sur nos villes vues et senties par nos cher(e)s bloggeurs et bloggeuses. Enfin quelque chose qui sort des descritions cliches de l'office de tourisme et des ecrits de Paul Bowles (que je respecte) et autres. Je propose de nommer Kalimate et Kb (ames sensibles) porteurs du projet et jury de selection. Il nous suffit donc de lancer l'info dans tout les blogs et inviter tout le monde à prendre leur clavier. Le Maroc vu par les blagueurs, pardon blogueurs est en train de naitre. Faites monter la sauce ...

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  8. aie aie kalimero, tu rêves mon cher! c'est beau de rêver... surtout si cette rêverie se solde par un beau texte, genre: Les rêveries du promeneur solitaire. de combien de blogueurs es-tu lu, suivi?
    j'ai cessé de rêver qd j'ai remarqué que je me suis enfermée dans un cercle moi qui aime les espaces où on puisse gambader librement. comment les réunir sur un même thème?

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  9. En anglais on dit: If you can dream it, you can make it. On a besoin juste de dix: nous avons deja la moitie. Aller, soyons sportifs et revons ensemble

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  10. La Plume a ses raisons
    الريشة لها دوافعها
    ليس من قافية أشد كرامة
    لتحسب فى الوجود
    إذا لم تكن ملك لكم،
    رميت للريح العابر،
    هاته القوافي، هاته الأ يام، هاته أللوازم
    لا وجود لها
    بذون ذفعة ريح ينقضها !
    الريشة لها دوافعها،
    إ ذا القلب أصبح لها سندان...

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  11. ayant visité ce blog , je me rends compte que je n'ai pas perdu de temps . j'ai même aimé m'y balader . Une perspicacité , un sens du mot , une poétique sont mises en évidence de façon suave , sans nul encombrement . Les textes appellent à la lecture .Degré ennui 0. j'y ai même acquis un certain savoir .
    Utile .

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  12. Pèreomar, Kateeb, chers amis, j'ai dû commetre à votre place. je ne sais pas ce qui se passe avec blogger, j'ai reçu vos messages sur mon e-mail et malgré mes tentatives de publier, ça échouait.
    heureusement qu'il y a le copié /collé.

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  13. "la plume à ses raisons" beaux vers omar surtout continue à parsemer mon pré de tes virtuosités.
    belle chute: la plume à ses raisons si le coeur...
    " La plume va, court d'elle-même quand le coeur la conduit..."

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  14. Un immense plaisir que de te lire aujourd'hui sur les pages de mon modeste blog.
    reviens te balader aussi souvent que ton temps te le permet mais n'oublie pas de me laisser une trace de ton passage. merci pour les fleurs kateeb.

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