vendredi 1 mai 2009

Balzac et la petite tailleuse chinoise.


Dai Siji, Balzac et la petite tailleuse chinoise, Edition Gallimard, collection Folio, 2000

 

Un livre   qui renferme plusieurs indices autobiographiques. à partir du titre, le lecteur est saisi par un mélange féerique entre tradition narratologique chinoise et  le monde occidental par le biais de l’écrivain de  La Comédie humaine, à savoir Balzac. Le décalage entre la fiction et la réalité va être réduit.

C’est un livre qui retrace une période historique pénible que le peuple chinois a dû supporter : voir ses écoles fermer, accusées d’être un lieu de dépravation et de  formation d’ennemis de la révolution de Mao.

On peut même penser que l’auteur a voulu dénoncer des événements dont il a été lui-même victime_ d’une part, parce que le discours des deux amis raille le pouvoir et l’idéologie communiste (pour légitimer une sonate de Mozart, Luo a dû l’associer au nom du père de la révolution rouge  « Mozart pense au président Mao ») d’autre part parce que Dai Siji, n’est pas sans de multiples points communs avec le narrateur de son récit

 

Le texte s’ouvre sur deux jeunes chinois, exilés « politiques » du pouvoir communiste en place, destinés à être rééduqués par des paysans ignorants. Dans  la montagne du Phénix du Ciel, lieu si éloigné de la civilisation, Luo et le narrateur se transformèrent en saltimbanques : ils jouaient du violon ou racontaient des histoires, des films,  etc. histoire triste mais traversée par un humour acerbe qui relate des faits parfois à l’odeur nauséabonde, scatologiques comme la corvée des transport des sceaux d’excréments.

Leur douloureux apprentissage ne fait que commencer et l’intelligence de Luo leur a valu bien des privilèges.

 

Le deuxième chapitre de ce roman est organisé autour d’un unique enjeu : « le Binoclard possédait une valise secrète, qu’il dissimulait soigneusement ». En effet ce personnage avait en possession une valise de livres bannis. Dès lors, la lecture sera leur seule consolation dans ces  contrées tellement éloignées de toute forme de civilisation. Ainsi, BALZAC  sera leur première bouffée d’air libre qui sera d’ailleurs le début d’un désir inassouvi de lecture, de la seule échappatoire possible vers le monde imaginaire et tellement convoité par nos jeunes  « intellectuels » révoltés.

Aidés par la petite tailleuse chinoise, nos deux jeunes héros ne ménagent aucun effort pour s’approprier la valise secrète, et donc de nombreuses péripéties, et aventures dont la plupart scabreuses vont être relatées toujours avec un sens de l’humour hors pair. Une idée des plus séduisante de ce livre est que le butin tant convoité  est composé de livres. Interdits, certes, mais rien ne séduit autant que les fruits défendus, nous en avons un témoignage vivant dans ce roman du rêve, de la vie, de l’amour :

« Souvent, après minuit, on éteignait la lampe à pétrole dans notre maison sur pilotis, et on s’allongeait chacun dans son lit pour fumer dans le noir. Des titres de livres fusaient de nos bouches, il y avait dans ces noms  des mondes inconnus, quelque chose de mystérieux et d’exquis dans la résonance des mots, dans l’ordre des caractères… » (p80)

 

Le troisième et dernier chapitre est un  chemin d’apprentissage livresque, d’ouverture, de métamorphose et de déception aussi. La petite tailleuse chinoise pervertie au contact des héroïnes balzaciennes, décide enfin de partir en ville  pour tenter sa chance. Ce dénouement  est très inattendu, Luo voulait « créer une jeune fille belle  et cultivée » mais il sous estime le pouvoir livresque qui  transforme la chrysalide en un joli papillon, frêle certes, mais décidé à vivre son rêve de liberté jusqu’à la dissolution.

Luo, dans un  moment de grand dépit mais de grand courage aussi, envoient tous ces personnages de papiers, qui ont su alimenter, jadis, leur froide solitude dans un enfer où ils sont réduits  en cendre.

 

Balzac et la petite tailleuse chinoise est un roman aussi du plaisir : né du plaisir de la lecture et provoquant le plaisir de la lecture, grâce sans doute, à un plaisir de l’écriture.

D’un désir à l’autre, ainsi va la littérature.

 En voici un extrait du résumé sur Wikipedia:  

 "Ayant pris possession des romans, quelques œuvres des plus grands auteurs occidentaux du xixe siècle, une nouvelle vision de la vie s’ouvre à eux. Luo fait alors un serment : « Avec ces livres, je transformerai la Petite tailleuse. Elle ne sera plus jamais une simple montagnarde ». Peu à peu, la lecture de l’œuvre de Balzac, en particulier, transforme la jeune fille qui devient une femme épanouie désireuse de découvrir la vie par elle-même. Les livres l’ont totalement transformée et ce n’est plus l’innocente paysanne qui déclare: « Balzac m’a fait comprendre une chose : la beauté d’une femme est un trésor qui n’a pas de prix ».

A la fin de l'histoire la petite tailleuse s'en va pour la ville, les livres l'ont changée et l'ont rendue désireuse de vivre des aventures avec d'autres hommes meilleurs." http://fr.wikipedia.org/wiki/Balzac_et_la_Petite_Tailleuse_chinoise

 

 

 

10 commentaires:

  1. Super livre.. je l'ai lu relu et recommandé...
    un autre à lire absolument c'est la joueuse de go.. pareil il est enivrant

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  2. parole de kalimate, si je le trouve, je le lirai et même plus, un petit compte rendu kalimien...
    ce que j'aime le plus c'est cette dernière phrase de la petite tailleuse:" Balzac m’a fait comprendre une chose : la beauté d’une femme est un trésor qui n’a pas de prix ».
    Merci de ton passage Doudou.

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  3. Merci pour le partage. La beauté de ces échanges est aussi un trésor qui n'a pas de prix.

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  4. J'ai d'excellents souvenirs de ce livre. Tu me donne presque envie de le relire. Un petit bijou. Un voyage livresque dans le monde merveilleux balzacien à travers une critique de l'absurdité du commnisme, dont la seule échappatoire pour notre jeune tailleuse est l'univers onirique des mots et le plaisir de la lecture...

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  5. C'est kalimero qui est notre trésor sans prix! Merci à toi mon ami.

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  6. Flower Power, il y a aussi le film, je ne l'ai pas vu mais serait intéressant de le voir, une autre manière de lire le livre. au plaisir de te relire.

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  7. Balzac ne figurait pas dans mon programme scolaire
    alors je me tais
    si tu as une version "sintrée" en trois lignes je suis proneur

    le mythe
    l'instant du Dragon

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  8. Sourire (je suis obligée de sourire en toutes lettres car je n'ai pas de créatures jaunes sur mon blog) j'imagine ta tête en me lisant (grimace)une vieille fille qui ne sais pas encore jouer de la souris... souris mythe!
    le prochain texte sera pour toi, et ne me dis pas que Proust ne figurait pas au programme!
    vraiment , un beau texte pour le mythe musicien.

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  9. Proust même quand il ne figure pas au programme il faut le rajouter de force... Incontournable vais je dire

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  10. A qui le dis-tu... personne ne cherche plus la belle littérature (presque). les gens se lisent à haute voix... j'espère ne pas finir liseuse de blogs! riiiire.

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