vendredi 18 décembre 2009

Métier à tisser






Qu'elles renaissent les feuilles
que j'eusse effeuillées 
vibrante trajectoire
reconnaître au delà du savoir 
 le langage secret pour
renaître au delà de l'être 
d'aimer au delà du verbe aimer 
et sourire  plus qu'une blessure
étirement de peau 
dilatation  de  soyeuses cellules  
 sur un métier à tisser




Au delà du geste s'ouvrir toi l'introvertie
re-faire confiance
 flair fin plus que certitude ni ouverture
 balafre, fente factice , fou rire de peau
art de toc  sous l'égide de jade
sans espoir de médaille, 
le corps se consume, s'effeuille
pellicule par pellicule dans ce jeu glamour*
je t'aime un peu
tu m'affoles
pas du tout...
refrain

Affaire de confiance à la fin oui
figure l'imprévisible, l'illusoire 
Mise à plat, la romancière se plie
Dort au fond d'un coffre
 encensé d'odeurs anciennes
clous de girofle ,roses séchées 
lavande, musc et santal
la peau s'en imprègne
peau sur un métier à plisser


Se voiler la face,
baisser le regard paupières closes 
effet de rideau
mutisme,  lèvres cousues
pont de mots déconstruit
la langue pendue 
sur une peau immortelle
tes caresses ne sont qu'esquisse
oublier les sens 
ne rien entendre, 
juste écouter sans réellement comprendre
Lui se perd
Elle, couvre les pages
s'étale. l'encre s'affale
perle noire 
 la pluie survint sueur fine...


 Tous les plis de l'âme froissée sont-ils défroissables dans un sourire de peau?





mercredi 9 décembre 2009

Les Dunes vives




Les dunes vives de Khireddine MOURAD, poète et écrivain marocain.



Ce  témoignage est une lumière  nouvelle, enrichissante sur les techniques de l’écriture. Comme à l’accoutumée, monsieur MOURAD nous dévoile  avec sincérité sa méthode de travail, comment son œuvre germe puis prend forme. Voici en intégralité le  contenu de cette interview.
Question : Avec Les dunes vives vous avez voulu dépeindre une vision nouvelle, opérer une réappropriation de l’histoire  loin  des idées reçues. Comment avez-vous déjoué les problèmes possibles  de la représentation ?
M. MOURAD khireddine : Quand on commence un travail d’écriture, ou tout au moins dans ma modeste expérience, l’idée d’un projet défini est souvent confuse, il n’y pas une précision dès le départ des objectifs à atteindre. Certes, il y a une ligne directrice qui permet de progresser lentement dans le travail, mais il n’y a pas un projet arrêté. Aussi ai-je affronté les problèmes par exemple  de la représentation non pas en cherchant les effets de réel les plus probants ni en essayant de faire éclater les schémas anciens de représentation de la réalité ou ce que l’on suppose être la réalité ; mais en résolvant au fur et à mesure les problèmes de l’écriture. Je suis devant un arbre, je me dis comment il s’appelle, je vais chercher son nom, je vais chercher ses spécificités, quelle est son espèce, quel est son régime, etc. je suis devant un mur, je me dis comment essayer de donner à ce mur une contemporanéité…euh, égale à  de tel ou tel personnage. Donc, pendant l’écriture, il y a un nivellement qui met personnage, lieu, temps, pensée, thème…au même niveau. Un niveau à affronter, à développer, à concrétiser.
Maintenant, les problèmes de l’histoire dans ce roman, effectivement,  nous pensons que la période coloniale a été une période dramatique pour le monde arabo musulman d’une manière générale dans sa confrontation avec l’occident, et l’Afrique du nord  avec la France d’une manière plus spécifique.
Effectivement, il y a cet aspect de l’histoire qui est dénoncé et qui continu de l’être par des spécialistes de l’histoire, par des historiens, par des anthropologues, des chercheurs des deux rives de la méditerranée.
 Mais pour un écrivain, le problème ne se situe pas seulement dans cette dénonciation de l’idéologie coloniale et même de l’idéologie postcoloniale ; il s’agit pour l’écrivain,  de moins pour l’écrivain modeste que je suis, de s’approprier aussi cette histoire et de la considérer sienne, de déposer son propre regard pour …comment dire…, pour repenser et reposer d’autres valeurs d’approche  de l’histoire elle-même.
Question : dans votre représentation, votre vision, il y a  le souci du détail dans la construction du personnage. Qu’en pensez-vous ?
M. khireddine  MOURAD: Comme je l’ai dit pour répondre à votre première question, effectivement il y a un souci du détail, de même qu’il y a une construction du personnage. Mais la construction du personnage ne signifie pas que je restitue dans son entièreté le personnage, cela ne veut pas dire non plus que je restitue dans sa plénitude le détail. Travailler le détail et travailler le personnage c’ est un travail  à la fois d’écriture bien sûr, de représentation bien sûr ; mais aussi d’une mise en relief de certaines pensées, de certaines visions, de certaines relations de conflit entre l’être et le monde, l’être et l’objet, l’être et l’être.
Question : dans Les dunes vives, vos personnages semblent souffrir d’un malaise de l’être. La vie de chacun est un tourbillon permanent. Sur quels critères construisez-vous ces personnages-là et cette vision-là ?
M. MOURAD khireddine : là aussi, c’est un peu comme je l’ai dit tout à l’heure qu’il y a une relation de l’être à l’objet et de l’être à l’être. Et dans cette affaire de la représentation de l’être, évidemment, l’approche est plus complexe du fait que l’être de l’objet est moins … euh… comment dire ? ... moins insaisissable que l’être humain. Et par conséquent, lorsqu’on se penche sur l’être humain, évidemment, on entre dans des zones de sentiments, d’émotion, de malaise, de représentation, de vision, de sensibilité et lorsqu’on essaie de les saisir et de les construire, on est en face d’une…euh…disons  d’une mise en hypothèse de la pensée et non pas dans une construction consolidée de la psychologie.
Là où, peut-être, il y a  hésitation on va penser qu’il y a malaise, alors qu’il n’y a que l’hésitation. Là où il  y a recherche, on va penser qu’il y a ignorance alors qu’il y a en fait de la recherche. Là où il y a une quête, on pense qu’il y a un manque, alors qu’en fait la quête n’est pas nécessairement l’expression d’un manque. Mais on peut regarder cela, soit sous l’angle de l’exaltation et donc la quête, la recherche et l’hésitation ne sont que les expressions d’une exaltation dans la vie ; On peut les voir comme des manques des frustrations ou des inquiétudes et dans ce cas là on va appeler cela un malaise.
En réalité, il y a peut-être  la combinaison des deux et  que la frontière n’est pas suffisamment claire, non pas parce que il y a … euh… on est incapable de donner une clarté à ce niveau là ; mais parce que précisément elle ne peut pas l’être du fait que ces zones obscures de l’être s’interpénètrent si profondément que l’on ne peut pas leur donner des frontières très claires et très visibles.
Question : le corps du personnage dramatique, à partir des années cinquante, apparaît tantôt grotesque, déformé, mutilé. C’est la vision d’un corps morcelé aliéné qui est offerte aux spectateurs. Alors que chez Genet, le corps est glorifié, magnifié, orné, travesti. Ces deux visions cohabitent dans Les dunes vives. Estimez-vous être influencé par le théâtre dans la mesure que vous voulez saisir le corps dans sa nudité, dans la simplicité de son apparence, afin d’atteindre la vérité intérieure de l’être ?
M. MOURAD khireddine : je ne pense pas être influencé par le théâtre, encore moins, par aussi bien ceux qui ont essayé de glorifier le corps que ceux qui l’ont mutilé. Le problème pour moi ne se pose pas comme ça. Donc, je considère que je suis tout à fait… que je n’ai rien à avoir avec ces deux considérations relatives à cette vision que l’on donne au corps.
Maintenant, le corps c’est un bien.  Et ce bien est impliqué dans une mouvance sociale, dans une mouvance culturelle, dans une mouvance sociale chargée de conflit, chargée
 d’un certain nombre de représentations aussi et, il me semble que la priorité que l’on donne aujourd’hui au corps pour coller ce terme à toutes les expressions  que l’on fait -même maintenant, on parle du corps du roman, le corps du texte, le corps de ceci - il me semble qu’il y a là une inflation du terme qui franchement ne m’intéresse pas et ne m’invite pas à une méditation.
Maintenant, la culture parle du corps comme si elle venait de le découvrir aujourd’hui alors que toutes les cultures ont parlé du corps et toutes ont toujours eu une relation dans laquelle  le corps a toujours été impliqué directement ou indirectement sans qu’il soit posé comme objet d’observation .Et peut-être que si aujourd’hui certaines cultures parlent du corps, c’est peut-être parce qu’elles ont perdu toute notion du « vivre ».
Question : Mina, Hélène, Nathalie, trois figures de femmes représentées dans Les dunes vives. Comment parler de l’autre, de son corps sans le réduire aux  «  formes grossières de la visibilité ». Comment réduire les obstacles épistémologiques inhérents à l’intériorité de l’écrivain pour écrire sur l’autre ?
M. MOURAD khireddine : écrire sur l’autre est une démarche qui peut revêtir plusieurs significations. On peut écrire sur l’autre parce qu’on a un mépris pour l’autre et on le représente donc négativement, et il y a toute une littérature qui peut nous servir d’ingrédient à ce niveau là ; mais il y a aussi une façon d’écrire sur l’autre pour non pas  le glorifier mais lui reconnaître sa pleine existence, sa pleine… comment dire… lui reconnaître pleinement sa place parmi les êtres. Cette démarche là, à ma connaissance est rare, en tout cas, j’essaie personnellement de donner à l’autre pleinement sa place parmi les autres.
Question : dans quelle mesure l’éducation d’Hélène et par la suite celle de Nathalie est responsable de cette « excision » mentale, du conflit permanent dans lequel s’enferme le corps féminin ?
M. MOURAD khireddine : le corps féminin, non. Le corps féminin chrétien, oui. Et là, nous avons, du fait d’un certain nombre d’influences, souvent pensé le corps avec des projections culturelles qui ne sont pas les notres. Et par conséquent, nous avons dans la littérature abordé le corps avec les notions européennes du corps. Or les notions européennes du corps sont elles-mêmes issues d’une éducation chrétienne qui a été pendant des siècles une négation du corps. Et par conséquent, ce qu’il nous faut c’est nous libérer de cette vision chrétienne inavouée pour nous replacer de notre point de vue culturel arabo-musulman du corps. Et donc la vision arabo musulmane du corps est tout à fait différente. Le corps féminin chrétien a été mutilé par l’éducation chrétienne. Et cette mutilation a engendré une excision mentale du désir de même qu’il y a dans certaines sociétés africaines ce qu’on appelle l’excision clitoridienne qui est l’ablation du clitoris. Par conséquent dans l’éducation chrétienne, pendant des siècles, tout ce qui était relatif à la chair était un péché. Et donc le chrétien, pendant des siècles, a grandi avec la notion de péché de la chair.
 Comment cette vision, cette éducation va-t-elle avoir, va-t-elle opérer dans l’intériorité  d’Hélène et de Nathalie ? C’est ce que j’ai essayé de démontrer dans ce roman. Et je l’ai montré par des cas pathologiques : celui d’Hélène, qui ne le savait pas jusqu’au jour où elle se marie, et réalise et découvre que elle  a un corps  qui se refuse à tout contact avec un autre corps. Et lorsque son mari l’approche elle a des irruptions cutanées, des tâches de rougeur très fortes qui sont l’expression de cette résistance du corps au corps de l’autre -et qui est son mari- et  par l’éducation qu’elle va donner à ses enfants, une éducation où elle refuse les élans affectueux, elle refuse les caresses, elle refuse les embrassades chaleureuses, elle refuse les jeux de corps, le toucher… alors tout cet aspect là, va être compensé par Mina. C’est Mina qui va le donner à ces enfants privés disons du contact charnel d’avec leur mère, hélène.
 Et Nathalie  précisément  va subir à la suite d’une telle éducation,  elle va être victime, disons,  d’une maladie qu’on appelle le syndrome de Cottard ou la négation d’organes qui s’exprime par des dépressions par des. .. comment dire…  par la perte de l’usage d’un organe, sans que l’organe soit pathologiquement malade. Par exemple, elle perd l’usage de la vue, alors que ses yeux sont parfaits, elle peut aussi perdre l’usage de la marche alors que ses membres ne sont pas paralysés et ainsi de suite. Ces aspects, ces types de maladies qui existent et qui ont été étudiés et observés chez plusieurs malades dans les sociétés qui vivent certaines, disons, dans certaines extrêmes. Et Nathalie en est, disons, un aspect que j’ai essayé de représenter.
Question : combien de temps  vous a-t-il fallu pour écrire votre livre, vue la documentation importante qui a été la vôtre ?
M. MOURAD khireddine : le temps quand on écrit ne compte pas parce que ce n’est plus une question de temps c’est une question de patience et de maturation. Et avec la maturation et la patience, on est  obligé parfois de laisser une œuvre longtemps dans les placards en attendant que les idées mûrissent ou  qu’elles ne mûrissent pas, ce n’est jamais prévisible ; ou que donc…euh… et là , avec les dunes vives ,il a fallu travailler la scène d’accouchement, pour cela il ne fallait pas d’erreurs cliniques, et par conséquent, même si l’accouchement allait se passer selon une pratique  traditionnelle marocaine, il ne fallait pas qu’il y est des erreurs cliniquement parlant flagrantes. Pour cela, il a fallu que je me documente sur les techniques des sages femmes marocaines, des rituels même d’accouchement : comment elles procèdent, comment elle font. Et lorsque j’ai bien maîtrisé -pas maîtrisé au sens pratique mais disons au sens ethnographique certaines manières des sages femmes marocaines-  j’ai pu lentement et avec beaucoup de précautions, surtout beaucoup de patience et beaucoup de temps,  élaborer le premier chapitre du roman. Ensuite, il a fallu attendre quelques années,  quelque chose comme sept ans pour pouvoir cerner la maladie de Nathalie, et la décrire et maîtriser ses symptômes, les décrire avec une certaine -pas un certain réalisme- mais une certaine réalité. Et de même, pour représenter le personnage d’Hélène, il m’a fallu, disons,  travailler et attendre et relire ce que j’ai fait et ainsi de suite pendant… le tout a dû prendre quelque chose comme neuf ans.
Question : juste une question  sur la symbolique des dunes vives, à quoi cela renvoie-t-il ?
M. MOURAD khireddine : alors les dunes vives, le terme dunes vives est un terme technique en géographie. Il y a des dunes qui sont fixes, qui ne bougent pas et il y a des dunes qui se déplacent. Et les dunes qui se déplacent s’appellent les dunes vives. Initialement je voulais intituler ce roman « les falaises intérieures », mais dans l’expression falaises intérieures, il y avait à la fois, disons, du géographique « falaises », et en même temps avec « intérieures » du psychologique. Et précisément parce que je ne veux pas que l’on pense à du psychologique que j’ai finalement éliminé ce titre et mis le titre dunes vives qui montre des masses de sable, mais des masses de sable en mouvement en déplacement comme l’être qui est toujours en mouvement, en déplacement dans son intériorité comme dans son extériorité.
Question : pour conclure, Ernest Hemingway, dans un entretien déclare ceci :  «  pour un véritable écrivain, chaque livre devrait constituer un départ, une tentative d’atteindre quelque chose qui est hors de portée. Un écrivain devrait toujours tendre vers quelque chose qui n’a jamais été réalisé ou que d’autres ont tenté de réaliser sans succès. Alors, parfois, avec de la chance, il réussira. » Dans quelle mesure pensez-vous avoir réussi avec Les dunes vives à réaliser ce qui n’a pas été réalisé avant, à savoir une réappropriation de l’histoire ?
M. MOURAD khireddine : non, je n’ai pas à chercher à me réapproprier l’Histoire, au sens de la faire mienne ; mais, effectivement, j’ai essayé de me réapproprier mon histoire, l’Histoire de mon pays, l’histoire des êtres auxquels j’appartiens. Mais, quant à dire, à prétendre qu’il y a une réussite, ça je ne peux pas l’affirmer et je ne peux pas en plus… c’est aux autres de juger si j’ai réussi ou pas, pas moi.