vendredi 18 décembre 2009

Métier à tisser






Qu'elles renaissent les feuilles
que j'eusse effeuillées 
vibrante trajectoire
reconnaître au delà du savoir 
 le langage secret pour
renaître au delà de l'être 
d'aimer au delà du verbe aimer 
et sourire  plus qu'une blessure
étirement de peau 
dilatation  de  soyeuses cellules  
 sur un métier à tisser




Au delà du geste s'ouvrir toi l'introvertie
re-faire confiance
 flair fin plus que certitude ni ouverture
 balafre, fente factice , fou rire de peau
art de toc  sous l'égide de jade
sans espoir de médaille, 
le corps se consume, s'effeuille
pellicule par pellicule dans ce jeu glamour*
je t'aime un peu
tu m'affoles
pas du tout...
refrain

Affaire de confiance à la fin oui
figure l'imprévisible, l'illusoire 
Mise à plat, la romancière se plie
Dort au fond d'un coffre
 encensé d'odeurs anciennes
clous de girofle ,roses séchées 
lavande, musc et santal
la peau s'en imprègne
peau sur un métier à plisser


Se voiler la face,
baisser le regard paupières closes 
effet de rideau
mutisme,  lèvres cousues
pont de mots déconstruit
la langue pendue 
sur une peau immortelle
tes caresses ne sont qu'esquisse
oublier les sens 
ne rien entendre, 
juste écouter sans réellement comprendre
Lui se perd
Elle, couvre les pages
s'étale. l'encre s'affale
perle noire 
 la pluie survint sueur fine...


 Tous les plis de l'âme froissée sont-ils défroissables dans un sourire de peau?





mercredi 9 décembre 2009

Les Dunes vives




Les dunes vives de Khireddine MOURAD, poète et écrivain marocain.



Ce  témoignage est une lumière  nouvelle, enrichissante sur les techniques de l’écriture. Comme à l’accoutumée, monsieur MOURAD nous dévoile  avec sincérité sa méthode de travail, comment son œuvre germe puis prend forme. Voici en intégralité le  contenu de cette interview.
Question : Avec Les dunes vives vous avez voulu dépeindre une vision nouvelle, opérer une réappropriation de l’histoire  loin  des idées reçues. Comment avez-vous déjoué les problèmes possibles  de la représentation ?
M. MOURAD khireddine : Quand on commence un travail d’écriture, ou tout au moins dans ma modeste expérience, l’idée d’un projet défini est souvent confuse, il n’y pas une précision dès le départ des objectifs à atteindre. Certes, il y a une ligne directrice qui permet de progresser lentement dans le travail, mais il n’y a pas un projet arrêté. Aussi ai-je affronté les problèmes par exemple  de la représentation non pas en cherchant les effets de réel les plus probants ni en essayant de faire éclater les schémas anciens de représentation de la réalité ou ce que l’on suppose être la réalité ; mais en résolvant au fur et à mesure les problèmes de l’écriture. Je suis devant un arbre, je me dis comment il s’appelle, je vais chercher son nom, je vais chercher ses spécificités, quelle est son espèce, quel est son régime, etc. je suis devant un mur, je me dis comment essayer de donner à ce mur une contemporanéité…euh, égale à  de tel ou tel personnage. Donc, pendant l’écriture, il y a un nivellement qui met personnage, lieu, temps, pensée, thème…au même niveau. Un niveau à affronter, à développer, à concrétiser.
Maintenant, les problèmes de l’histoire dans ce roman, effectivement,  nous pensons que la période coloniale a été une période dramatique pour le monde arabo musulman d’une manière générale dans sa confrontation avec l’occident, et l’Afrique du nord  avec la France d’une manière plus spécifique.
Effectivement, il y a cet aspect de l’histoire qui est dénoncé et qui continu de l’être par des spécialistes de l’histoire, par des historiens, par des anthropologues, des chercheurs des deux rives de la méditerranée.
 Mais pour un écrivain, le problème ne se situe pas seulement dans cette dénonciation de l’idéologie coloniale et même de l’idéologie postcoloniale ; il s’agit pour l’écrivain,  de moins pour l’écrivain modeste que je suis, de s’approprier aussi cette histoire et de la considérer sienne, de déposer son propre regard pour …comment dire…, pour repenser et reposer d’autres valeurs d’approche  de l’histoire elle-même.
Question : dans votre représentation, votre vision, il y a  le souci du détail dans la construction du personnage. Qu’en pensez-vous ?
M. khireddine  MOURAD: Comme je l’ai dit pour répondre à votre première question, effectivement il y a un souci du détail, de même qu’il y a une construction du personnage. Mais la construction du personnage ne signifie pas que je restitue dans son entièreté le personnage, cela ne veut pas dire non plus que je restitue dans sa plénitude le détail. Travailler le détail et travailler le personnage c’ est un travail  à la fois d’écriture bien sûr, de représentation bien sûr ; mais aussi d’une mise en relief de certaines pensées, de certaines visions, de certaines relations de conflit entre l’être et le monde, l’être et l’objet, l’être et l’être.
Question : dans Les dunes vives, vos personnages semblent souffrir d’un malaise de l’être. La vie de chacun est un tourbillon permanent. Sur quels critères construisez-vous ces personnages-là et cette vision-là ?
M. MOURAD khireddine : là aussi, c’est un peu comme je l’ai dit tout à l’heure qu’il y a une relation de l’être à l’objet et de l’être à l’être. Et dans cette affaire de la représentation de l’être, évidemment, l’approche est plus complexe du fait que l’être de l’objet est moins … euh… comment dire ? ... moins insaisissable que l’être humain. Et par conséquent, lorsqu’on se penche sur l’être humain, évidemment, on entre dans des zones de sentiments, d’émotion, de malaise, de représentation, de vision, de sensibilité et lorsqu’on essaie de les saisir et de les construire, on est en face d’une…euh…disons  d’une mise en hypothèse de la pensée et non pas dans une construction consolidée de la psychologie.
Là où, peut-être, il y a  hésitation on va penser qu’il y a malaise, alors qu’il n’y a que l’hésitation. Là où il  y a recherche, on va penser qu’il y a ignorance alors qu’il y a en fait de la recherche. Là où il y a une quête, on pense qu’il y a un manque, alors qu’en fait la quête n’est pas nécessairement l’expression d’un manque. Mais on peut regarder cela, soit sous l’angle de l’exaltation et donc la quête, la recherche et l’hésitation ne sont que les expressions d’une exaltation dans la vie ; On peut les voir comme des manques des frustrations ou des inquiétudes et dans ce cas là on va appeler cela un malaise.
En réalité, il y a peut-être  la combinaison des deux et  que la frontière n’est pas suffisamment claire, non pas parce que il y a … euh… on est incapable de donner une clarté à ce niveau là ; mais parce que précisément elle ne peut pas l’être du fait que ces zones obscures de l’être s’interpénètrent si profondément que l’on ne peut pas leur donner des frontières très claires et très visibles.
Question : le corps du personnage dramatique, à partir des années cinquante, apparaît tantôt grotesque, déformé, mutilé. C’est la vision d’un corps morcelé aliéné qui est offerte aux spectateurs. Alors que chez Genet, le corps est glorifié, magnifié, orné, travesti. Ces deux visions cohabitent dans Les dunes vives. Estimez-vous être influencé par le théâtre dans la mesure que vous voulez saisir le corps dans sa nudité, dans la simplicité de son apparence, afin d’atteindre la vérité intérieure de l’être ?
M. MOURAD khireddine : je ne pense pas être influencé par le théâtre, encore moins, par aussi bien ceux qui ont essayé de glorifier le corps que ceux qui l’ont mutilé. Le problème pour moi ne se pose pas comme ça. Donc, je considère que je suis tout à fait… que je n’ai rien à avoir avec ces deux considérations relatives à cette vision que l’on donne au corps.
Maintenant, le corps c’est un bien.  Et ce bien est impliqué dans une mouvance sociale, dans une mouvance culturelle, dans une mouvance sociale chargée de conflit, chargée
 d’un certain nombre de représentations aussi et, il me semble que la priorité que l’on donne aujourd’hui au corps pour coller ce terme à toutes les expressions  que l’on fait -même maintenant, on parle du corps du roman, le corps du texte, le corps de ceci - il me semble qu’il y a là une inflation du terme qui franchement ne m’intéresse pas et ne m’invite pas à une méditation.
Maintenant, la culture parle du corps comme si elle venait de le découvrir aujourd’hui alors que toutes les cultures ont parlé du corps et toutes ont toujours eu une relation dans laquelle  le corps a toujours été impliqué directement ou indirectement sans qu’il soit posé comme objet d’observation .Et peut-être que si aujourd’hui certaines cultures parlent du corps, c’est peut-être parce qu’elles ont perdu toute notion du « vivre ».
Question : Mina, Hélène, Nathalie, trois figures de femmes représentées dans Les dunes vives. Comment parler de l’autre, de son corps sans le réduire aux  «  formes grossières de la visibilité ». Comment réduire les obstacles épistémologiques inhérents à l’intériorité de l’écrivain pour écrire sur l’autre ?
M. MOURAD khireddine : écrire sur l’autre est une démarche qui peut revêtir plusieurs significations. On peut écrire sur l’autre parce qu’on a un mépris pour l’autre et on le représente donc négativement, et il y a toute une littérature qui peut nous servir d’ingrédient à ce niveau là ; mais il y a aussi une façon d’écrire sur l’autre pour non pas  le glorifier mais lui reconnaître sa pleine existence, sa pleine… comment dire… lui reconnaître pleinement sa place parmi les êtres. Cette démarche là, à ma connaissance est rare, en tout cas, j’essaie personnellement de donner à l’autre pleinement sa place parmi les autres.
Question : dans quelle mesure l’éducation d’Hélène et par la suite celle de Nathalie est responsable de cette « excision » mentale, du conflit permanent dans lequel s’enferme le corps féminin ?
M. MOURAD khireddine : le corps féminin, non. Le corps féminin chrétien, oui. Et là, nous avons, du fait d’un certain nombre d’influences, souvent pensé le corps avec des projections culturelles qui ne sont pas les notres. Et par conséquent, nous avons dans la littérature abordé le corps avec les notions européennes du corps. Or les notions européennes du corps sont elles-mêmes issues d’une éducation chrétienne qui a été pendant des siècles une négation du corps. Et par conséquent, ce qu’il nous faut c’est nous libérer de cette vision chrétienne inavouée pour nous replacer de notre point de vue culturel arabo-musulman du corps. Et donc la vision arabo musulmane du corps est tout à fait différente. Le corps féminin chrétien a été mutilé par l’éducation chrétienne. Et cette mutilation a engendré une excision mentale du désir de même qu’il y a dans certaines sociétés africaines ce qu’on appelle l’excision clitoridienne qui est l’ablation du clitoris. Par conséquent dans l’éducation chrétienne, pendant des siècles, tout ce qui était relatif à la chair était un péché. Et donc le chrétien, pendant des siècles, a grandi avec la notion de péché de la chair.
 Comment cette vision, cette éducation va-t-elle avoir, va-t-elle opérer dans l’intériorité  d’Hélène et de Nathalie ? C’est ce que j’ai essayé de démontrer dans ce roman. Et je l’ai montré par des cas pathologiques : celui d’Hélène, qui ne le savait pas jusqu’au jour où elle se marie, et réalise et découvre que elle  a un corps  qui se refuse à tout contact avec un autre corps. Et lorsque son mari l’approche elle a des irruptions cutanées, des tâches de rougeur très fortes qui sont l’expression de cette résistance du corps au corps de l’autre -et qui est son mari- et  par l’éducation qu’elle va donner à ses enfants, une éducation où elle refuse les élans affectueux, elle refuse les caresses, elle refuse les embrassades chaleureuses, elle refuse les jeux de corps, le toucher… alors tout cet aspect là, va être compensé par Mina. C’est Mina qui va le donner à ces enfants privés disons du contact charnel d’avec leur mère, hélène.
 Et Nathalie  précisément  va subir à la suite d’une telle éducation,  elle va être victime, disons,  d’une maladie qu’on appelle le syndrome de Cottard ou la négation d’organes qui s’exprime par des dépressions par des. .. comment dire…  par la perte de l’usage d’un organe, sans que l’organe soit pathologiquement malade. Par exemple, elle perd l’usage de la vue, alors que ses yeux sont parfaits, elle peut aussi perdre l’usage de la marche alors que ses membres ne sont pas paralysés et ainsi de suite. Ces aspects, ces types de maladies qui existent et qui ont été étudiés et observés chez plusieurs malades dans les sociétés qui vivent certaines, disons, dans certaines extrêmes. Et Nathalie en est, disons, un aspect que j’ai essayé de représenter.
Question : combien de temps  vous a-t-il fallu pour écrire votre livre, vue la documentation importante qui a été la vôtre ?
M. MOURAD khireddine : le temps quand on écrit ne compte pas parce que ce n’est plus une question de temps c’est une question de patience et de maturation. Et avec la maturation et la patience, on est  obligé parfois de laisser une œuvre longtemps dans les placards en attendant que les idées mûrissent ou  qu’elles ne mûrissent pas, ce n’est jamais prévisible ; ou que donc…euh… et là , avec les dunes vives ,il a fallu travailler la scène d’accouchement, pour cela il ne fallait pas d’erreurs cliniques, et par conséquent, même si l’accouchement allait se passer selon une pratique  traditionnelle marocaine, il ne fallait pas qu’il y est des erreurs cliniquement parlant flagrantes. Pour cela, il a fallu que je me documente sur les techniques des sages femmes marocaines, des rituels même d’accouchement : comment elles procèdent, comment elle font. Et lorsque j’ai bien maîtrisé -pas maîtrisé au sens pratique mais disons au sens ethnographique certaines manières des sages femmes marocaines-  j’ai pu lentement et avec beaucoup de précautions, surtout beaucoup de patience et beaucoup de temps,  élaborer le premier chapitre du roman. Ensuite, il a fallu attendre quelques années,  quelque chose comme sept ans pour pouvoir cerner la maladie de Nathalie, et la décrire et maîtriser ses symptômes, les décrire avec une certaine -pas un certain réalisme- mais une certaine réalité. Et de même, pour représenter le personnage d’Hélène, il m’a fallu, disons,  travailler et attendre et relire ce que j’ai fait et ainsi de suite pendant… le tout a dû prendre quelque chose comme neuf ans.
Question : juste une question  sur la symbolique des dunes vives, à quoi cela renvoie-t-il ?
M. MOURAD khireddine : alors les dunes vives, le terme dunes vives est un terme technique en géographie. Il y a des dunes qui sont fixes, qui ne bougent pas et il y a des dunes qui se déplacent. Et les dunes qui se déplacent s’appellent les dunes vives. Initialement je voulais intituler ce roman « les falaises intérieures », mais dans l’expression falaises intérieures, il y avait à la fois, disons, du géographique « falaises », et en même temps avec « intérieures » du psychologique. Et précisément parce que je ne veux pas que l’on pense à du psychologique que j’ai finalement éliminé ce titre et mis le titre dunes vives qui montre des masses de sable, mais des masses de sable en mouvement en déplacement comme l’être qui est toujours en mouvement, en déplacement dans son intériorité comme dans son extériorité.
Question : pour conclure, Ernest Hemingway, dans un entretien déclare ceci :  «  pour un véritable écrivain, chaque livre devrait constituer un départ, une tentative d’atteindre quelque chose qui est hors de portée. Un écrivain devrait toujours tendre vers quelque chose qui n’a jamais été réalisé ou que d’autres ont tenté de réaliser sans succès. Alors, parfois, avec de la chance, il réussira. » Dans quelle mesure pensez-vous avoir réussi avec Les dunes vives à réaliser ce qui n’a pas été réalisé avant, à savoir une réappropriation de l’histoire ?
M. MOURAD khireddine : non, je n’ai pas à chercher à me réapproprier l’Histoire, au sens de la faire mienne ; mais, effectivement, j’ai essayé de me réapproprier mon histoire, l’Histoire de mon pays, l’histoire des êtres auxquels j’appartiens. Mais, quant à dire, à prétendre qu’il y a une réussite, ça je ne peux pas l’affirmer et je ne peux pas en plus… c’est aux autres de juger si j’ai réussi ou pas, pas moi.

samedi 21 novembre 2009

Voie des Maîtres et Disciples




Dans son livre Maître et disciple, Steiner affirme que :

« Masqué ou déclaré, fantasmé ou en acte, l’homo érotisme est intimement mêlé à la phénoménologie de la relation de maître à disciple : un fait élémentaire, banalisé par la fixation sur le harcèlement sexuel et les stéréotypes du politiquement correct »

Admettons que la citation de Steiner est une vérité. Dans ce cas,la relation entre enseignant enseigné est une relation de séduction cachée ou déclarée.
De là, il est presque acquis que le savoir passe par deux voies, soit par l’autorité, soit par le jeu de la séduction. Mais ce dernier à ses revers.

L’attirance existe dans l’acte pédagogique ainsi que l’homo érotisme à travers le fait même de la socialisation de la relation, par la verbalisation.
Dans la persuasion, l’éloquence, la pensée structurée, on arrive à convaincre l'apprenant en sollicitant son esprit et son âme. Ceci crée une captation.

Deuxième notion : ce que la société véhicule comme stéréotypes, le professeur doit rester un professeur, respecter les règles qui se résument en l’exercice d’un pouvoir patriarcal, religieux, observer une distance vis-à-vis de l’apprenant.

Est-ce que tous les professeurs peuvent devenir des Maîtres? Est-ce que tous les Maîtres le sont?
Peut-il exister un enseignement sans séduction?
Selon Steiner, non.
Séduction, persuasion, captation : réseau tripartite pour hypnotiser l'apprenant. Ainsi, le maître recourt à des ressources qui sont de l'ordre de la séduction et pas uniquement du savoir. Charmer ou captiver en usant de séduction fait du maître un manipulateur. Manipulation ici dans le sens positif du terme du moment elle sert à la transmission d'un savoir.
A ce niveau,une alchimie s'installe dans la relation maître disciple. L'enseignant, magicien qui fait vivre ce qu'il enseigne.
coup de foudre, captation, aura, espace, temps , maturité.

Est-ce que le temps intervient dans la relation maître disciple?

Le temps est conjugué à tous les niveau.L'appropriation de l'espace joue aussi un grand rôle dans la valorisation de cette relation. Jadis, l'enseignement se faisait d'une manière circulaire: le maître en est le début et l'aboutissement. Actuellement, la disposition se complique et la passation du savoir l'est aussi, relation de cause à effet:
-l'amphi, symboliquement est disposé comme un puits: l'étudiant doit descendre vers le savoir.
-les salles,plus le nombre des élèves augmente, plus la disposition se complique, plus l'énergie se perd.La perte du corps (contact visuel avec le maître) conduit automatiquement à la perte de l'aura du savoir.


Tous les enseignants peuvent-ils devenir des maîtres? Tous les maîtres le sont-ils?
Non.La notion du Charisme chez un enseignant c'est ce qui amène une influence en plus de la Vocation.
" Un maître charismatique,un professeur inspiré prend en main, dans une étreinte psychosomatique radicalement totalitaire, l'esprit vivant de ses étudiants ou disciples.Les dangers et les privilèges ne connaissent pas de borne" Steigner.

Qu'est-ce à dire?
Le risque que prend l'enseignant en s'investissant complètement dans l'acte d'enseigner peut être fatal. Un grand maître ne mesure pas les risques, il s'investit dans cette relation corps et âme: désir de perfection,se mettre en voie de "périr", donner la priorité aux étudiants...
Le risque que prend l'enseigné aggrave ou améliore cette aura du savoir . l'enseigné suce la sève du savoir, vide le professeur tout en se construisant, en bâtissant son avenir.

Plus le maître prend des risques en donnant, plus il s'implique, plus il demande en retour, il rentre dans un processus de pacte de savoir surtout de "l'élu" car tout maître a un élu. La peur de la trahison, de l'échec, de s'être trompé dans son choix... sont les bêtes noires qui hantent tout maître digne de ce nom. c'est pourquoi, le fait de s'exiler chez les bouddhiste est un acte de courage. Il traduit le refus du maître à reconnaître son échec ou la trahison de ses disciples.

Pour conclure, je reviendrais à cette phrase qui peut être choquante en apparence:
"l'enseignement se nourrit de la sexualité inexprimée..."
On est loin des ces maîtres de l'antiquité grecque, notre enseignement ne se nourrit ni de l'amour ni du sacrifice encore moins de la sexualité inexprimée ou déclarée. Un vide plat, un manque d'intérêt de part et d'autre, absence de motivation. Une ombre haineuse plane,une relation de guerre, de confrontation s'installe où se consume et l'enseignant et l'enseigné sur l'autel de la déchéance du savoir.
Accepter de s'investir dans cette relation c'est être fataliste.Refuser de s'y impliquer c'est faillir à une responsabilité et trahir son devoir.
Pour moi, Vivre cette relation reste le meilleur choix. User de séduction ou/et de pouvoir devient un devoir, périr dans une participation affective et prise active des choses pourvu que..
.

lundi 9 novembre 2009

Signe, signifiant, référent et encore



Envie d'hiberner au fin fond de mon âme... 

observer le silence...

laisser le silence me draper, m'absorber... 

me glisser dans mon ombre...

 furtivement disparaître dans l'immaculée blancheur de tes monts dégarnis..

partir la-bas où je ne peux fuir
mon moi, mon soi, mon toi
où l'indifférence et l'oubli ne sont pas de foi
où l'aimance brille
illumine l'espérance  anémique
point d'amis ciniques
à l'affut d'occasions iniques



...
Une petite voix ne cesse de me murmurer de creuser un puit. Rêvais-je pour entendre des voix ? 
Encore faut-il que je sois  plongée dans un sommeil profond ou que j'aie perdu la tête.


Pourtant la petite voix persévérait
Volez, volez colombes symbole de ma liberté opprimée, séchez,
séchez arbres espoir avorté, ô tristesse qui fend les cœurs,
toi qui abrite le vil mal et le bien.



La beauté est elle un vol à ailes déployées?
La liberté est elle une sensation de non limites?
L'eau est-elle libre quand elle se déverse en flot loin du verre qui la contient?
Est-on libre de vouloir ce qu'on veut?
...
Oui, la beauté est un vol à ailes déployées loin de la contrainte, de l'allusion, de l'illusion, de l'esclavage physique et idéel, de la limite, de la possession, de l'obstacle
...
"tirou ya letyar
yebssou ya lechjar
ribou ya lesswar..."


dimanche 1 novembre 2009

Représentation et Stéréotypes ... excipit






La dimension acoustique occupe une place non négligeable dans les deux romans, et entretient des rapports éclairants avec le registre spatial. Déjà, une première lecture permet de se rendre compte que les romanciers sont sensibles à tous les bruits.
La fenêtre joue ici un rôle assez clair qui voile et dévoile un intérieur détérioré, un intérieur étouffant qui écrase les personnages :
Chez Canetti, la fenêtre est symbole qui accuse cette claustration physique et psychologique. Du coup on pense à la prisonnière de proust. Cette voix qui s’en échappe est mélodieuse, douce et caressante. Ravisseuse est bien l’image que va nous imposer cette figure de blessée, exilée de choses, qu’on n’ose pas toucher, mais qui vous fait sa proie. Un visage, rien qu’un visage et le reste se perd dans un noir ténébreux, une prison, et le jugement tombe subitement :

« Sa voix restait toujours douce, aussi caressante que si elle avait tenu ma tête entre ses bras. Mais je ne voyais pas de mains elle ne montrait rien de plus que son visage. Peut-être ses mains étaient-elles liées ? La pièce où elle se tenait était obscure. Dans la rue où j’étais planté, brillait un soleil éclatant… » (p 41)
Aux ténèbres des maisons, espace de claustration féminine dans la représentation de Canetti, s’oppose un extérieur lumineux voir éclatant. Quoi de plus anormal pour une société qui cache ses femmes et ses lieux de culte que de révéler le secret de sa production !

« Dans une société aussi secrète, qui cache jalousement aux étrangers l’intérieur de ses maisons, le corps et le visage de ses femmes et jusqu’à ses temples, cette sincérité de ce que l’on fabrique et que l’on vend, est doublement attrayante. » (p23)

De là, on peut déduire comment la femme est représentée dans l’imaginaire des écrivains étrangers : mineure, soumise, prisonnière si ce n’est dans une maison alors sous son voile épais. Finalement, on rencontre ce lieu commun littéraire.
Chez les arabes, il n’a jamais été prévu ou envisagé que des femmes puissent être seules ou échappent à une tutelle masculine quelconque. Dans ces rapports entre sexes, il n’y a pas de places possibles de femmes libres, libres de leur corps, de leurs déplacements ou de leur mode de vie. Leur exclusion est simple sous la forme de déviance mentale ou de prostitution.
Cette vision n’est pas limitée uniquement aux étrangers, même les écrivains locaux la perpétuent. C’est ainsi que l’on remarque que la fenêtre chez Binebine, marque le lieu de la différence. Une maison qui en possède une n’a rien de semblable d’avec les autres :
« À la différence des autres maisons de la médina, celles de la rue du Pardon étaient pourvues de fenêtres donnant sans pudeur sur la rue. Pis encore, ni moucharabieh, ni fer forgé ne protégeaient ces ouvertures, si bien que les femmes pouvaient se pencher à loisir vers l’extérieur ». (p62)
La rue du pardon (ou derb la’fou, comme il se prénomme en arabe) est une venelle réservée aux femmes de joie. Elle porte son nom sans doute, à cause des aveugles qui demandent l’aumône aux pauvres pécheurs.
La fenêtre est, aussi, espace spectacle, un regard qui conduit à l’altérité : le mode de reconnaissance chez Binebine se limite dans ce passage à un nombreux éventail de clichés : l’autre est répertorié, définit, son appartenance établie par la description de son couvre chef. Voir, devient un spectacle :
« Le spectacle peu réjouissant se limitait à un essaim de crâne, couverts ou non, s’agitant dans les deux sens : bérets militaires, calvities intelligentes, turbans pieux, fez nantis ou capuces des culs-terreux frais débarqués de leur brousse. »(p62)

La représentation stéréotypée de l’autre apparaît plus évidente chez BINEBINE que chez CANETTI. En effet, la femme se taille la part du lion dans l’emploi abusif des clichés que ce soit dans le hammam ou dans la rue du Pardon.
L’enfer n’est pas uniquement le regard judicateur des autres pour le narrateur, il est « le sien » dans la représentation du hammam :

« Elle (sa mère) se méfiait comme du diable de ce lieu propice à tous les vices, à toutes les tentations…mon sceau à la main en direction de l’enfer. Longtemps j’ai eu à subir cet univers glauque, humide, peuplé de chair flasque, de fesses pour la plupart gigantesques, de mamelles pendantes comme des outres à moitié vides, de pubis broussailleux sous des ventres dégoulinants, et une profusion de cris stridents répercutés par mille échos fantomatiques. » (p77)

La femme est présentée par Binebine dans ce chapitre comme la plus vilaine créature qui existe sur terre, à se demander où veut en venir l’écrivain artiste par cet amas d’images stéréotypées ?
« Échouée par malheur à cet endroit (hammam), une banale médisance se transformait illico en affaire d’état : circulant de bouche en bouche, lichottée par une nuée de langues baveuses et vipérines, elle s’étoffait d’éléments croustillants, virait du soupçon à la demi-vérité, puis à la certitude absolue, s’amplifiant jusqu’à l’outrance du mélodrame pour se répandre telle une traînée de poudre dans la ville. » (p78)

Les images grossissantes employées par l’écrivain, parlent d’elles-mêmes. Si ce n’est pas des lieux communs, des clichés littéraires stéréotypés, alors c’est une obsession. Au contact des femmes ou de l’une plus particulièrement, c’est l’ambiance du bain maure qui prône ! Le souvenir que le narrateur garde de cette expérience en dit long sur son rapport au contact des femmes.
« Mille fois je revivrai la scène où, immobile sous le monticule de chair suintante, je voyais ma raison abdiquer devant mon sexe souverain. Impression d’étouffement, sueurs acres et nauséeuse, ambiance humide de bain maure, haleine empestant l’ail, lèvres baveuses découvrant les étincelles d’un sourire acheté au prix d’or. Et le khôl dégoulinant comme des larmes de cendre. Les cheveux gras aux relents de henné envahissant ma bouche et m’empêchant de crier. Non contre la sorcière qui suçait mon sang et secouait mon corps fébrile, mais pour faire taire la meute d’aveugles qui braillait dans la rue, emplissant l’atmosphère des effroyables punitions qui m’attendaient dans le ciel. » (p67)
La voix n’est pas toujours source de joie, tantôt elle est castratrice et fait preuve de violence et de cruauté (les mendiants), tantôt elle est l’ouverture d’un imaginaire, douceur et plaisir (voix du griot, des conteurs). La même chose est sentie pour le regard. L’écrivain est à la fois le spectateur et l’objet du spectacle, il s’offre au regard comme il jouit du spectacle regardé. Binebine en vient à remercier les aveugles pour l’absence de leur regard :
« J’avais enfin compris la présence saugrenue des aveugles dans la rue du Pardon. Si leurs psalmodies trouvaient grâce auprès des pêcheurs reconnaissants, c’était surtout parce que leurs yeux morts ne jugeaient pas. » (p67)
par l’expérience du regard et celle de l’ouie, Elias Canetti a fait de l’autre et de soi par l’autre des moyens pour consolider son statut d’étranger dans un espace non moins étranger. Les voix de Marrakech est, en effet, l’expression de l’impression après un voyage mais surtout l’expression de la voix de l’étranger qui se fraye un chemin dans les voix des autres. La seule voix qu’il cherche à honorer est celle des origines, celle d’un Adam qui ne pèche pas par la différence et ne prêche pas la différence. Ulysse ou Adam ? Héritier de la différence, son œuvre est une conciliation avec lui et les autres.


A la fin de toute conduite magique, nous sommes amenés à dire l’intérêt de la représentation stéréotypée à dire l’inexprimable, à accuser, à dévoiler, à attirer l’attention parfois sur des faits sociaux qui, nous paraissent tellement évidents, que nous n’y prêtions plus attention, comme s’il font partie du cadre de notre vie quotidienne. Qu’est-ce que la présence, l’instant, l’immédiat, en bref ces instances qui donnent au sujet l’impression d’une existence véritable, ces petits moment justement où il y a comme une certitude d’être là, corps et âme, parfois dans un silence édifiant ?

Nous sommes habitués à considérer que la pensée ne saurait se passer de mots. Dans cette acceptation, la pensée commencerait par un arrachement du voir, ce qui voudrait dire que jamais elle ne saurait se présenter d’abord, dans la présence la plus immédiate. Et donc, la représentation devient objet de connaissance
Les semblants de clichés sociaux, que nous avons décelé chez Canetti, sont nécessaires : quoi de plus naturel que de représenter l’orient par ses caractéristiques spécifiques telles que les méharis, les palmiers, le désert, le soleil, femmes voilées et pudiques ou encore par le désordre qui règne par rapport à un occident ordonné, structuré, froid…

A notre sens, la représentation occupe aussi une position particulière dans la sublimation en tant que « régulatrice narcissique » ; plus que la parole de l’Autre, elle accentue chez le sujet une présence à soi-même dans les intermèdes silencieux de la vie. Elle est productrice d’espaces de langages et en même temps opératrice dans ces espaces.
« Oh ! Oui, cet épouvantable silence résonne encore aujourd’hui dans mes oreilles. » (GM, p67,), dans le vacarme des cris, les voix sont l’expression du silence et de la quiétude, et c’est à l’écrivain voyageur de dire : « on va et viens respirant le silence. » (V M, p25)
En bref, la représentation se trouve au carrefour de l’immédiat et de la connaissance, elle s’alimente des deux systèmes ce qui explique largement sa difficulté à se libérer des présupposés, des répétions, des représentations stéréotypées. En effet, la notion de stéréotype pose le problème de la répétition et de l’originalité d’un écrivain. Dans la production d’un texte littéraire, l’écrivain dispose d’un système de représentation de deux dimensions. L’une concerne la structure profonde du texte : le contenu, la permanence, le thème. Cette structure est vouée à la répétition puisque l’écrivain ne peut la créer ex-nihilo. L’autre dimension, en revanche, lui est propre : c’est la variation et la variante, le miroitement des apparences,    Il y aura toujours cet inévitable de la répétition, on ne peut pas se débarrasser complètement de ces manifestations résiduelles. Nous pouvons la nommer en empruntant un terme de Freud « les dragons du temps originaire ».

Notre propos dans cette étude comparative était de montrer comment la représentation de l’autre et du même ne peut échapper à la représentation stéréotypée gérée le plus souvent par les connaissances et les présupposés. Ceci dit, nous nous demandons si le recours au ressassé, au consommé, à la répétition d’images figées ne cache-t-il pas une intention tapie au plis et replis du texte, une intention que seuls des lecteurs avertis peuvent déceler dans les interstices du langage ?

GM: Le Griot de Marrakech
VM: Les Voix de Marrakech

Représentation et Stéréotypes ... la suite


Deuxième moment:

Aller vers l’autre est un chemin plein d’épines, mais aussi de bonheur. L’ouverture à l’autre conduit à l’amour. Et « l’amour a ceci de terrible qu’il détruit toutes les barrières ». Il « impose silence aux adjectifs : à tous les ceci et cela dont l’autre, avant l’amour, était orné». L’amour permet ainsi l’économie des conflits. Quand nous nous ouvrons à l’autre, nous apprenons à le connaître. Et quand nous le connaissons, nous découvrons qu’il est vrai. Ainsi le goût de l’autre, reste gravé dans la mémoire de Binebine, goût de l’amitié, de la complicité, un goût de groseilles !
« Nous nous embrassions tendrement et les lèvres de Prospère avaient comme un goût de groseille. C’était un jeu. Le nôtre. Lascif et dangereux et que nous nous répétions à l’envie, même quant ce n’était pas dimanche (…) tout cela est si loin maintenant…j’ai comme un pincement au cœur en pensant à mes amis dont je n’ai plus de nouvelles… quant à Prospère, croyez-moi si vous le voulez, pas une fois je ne pense à lui sans avoir dans la bouche comme un goût de groseille. » (p56, 59)

« La salive du marabout » ou la beauté du laid, est une volupté, chez Canetti en face du dégoût et de la nausée. Entre étrangeté et fascinement, le dégoût et la nausée du narrateur cèdent la place à la chaleur amicale du vieil homme à son égard.

« Le vieux avait fini de mâcher et il avait recraché la pièce. Il tourna vers moi un visage rayonnant, prononça une bénédiction à mon adresse et la répéta six fois de suite. La chaleur amicale qui se répandit sur moi pendant qu’il parlait était telle que je n’en avais jamais reçue de semblable d’aucune créature humaine. » (p36)


Alors que dans le quartier juif, le mellah, c’est surtout une haine et du mépris qui prédomine la rencontre avec les mendiants :
« Près de la porte, à l’intérieur de la muraille, il y avait encore des mendiants. C’était des hommes barbus et vieux, quelques-uns sur des béquilles, d’autres aveugles. Je sursautais car je ne les avais pas remarqués… il se précipitait vers moi comme un vieil animal menaçant. Rien dans son visage n’excitait la sympathie…j’eus l’inexplicable sentiment qu’il voulait m’écraser de tout son poids. Il me donnait le frisson. » (p58)
Les mendiants juifs n’ont éveillé dans la personne du narrateur que dégoût et peur, un sentiment d’antipathie. Même les voix transmettaient une hostilité et une énergie négative emplie de méchanceté et de colère :
« …les voix des autres, ceux qui étaient restés derrière lui, s’unirent à la sienne en un chœur plein de méchanceté. » (p59).
Cette représentation n’a rien de définitif, à sa sortie, le narrateur fut fasciné par ces derniers, par tant de misère. Il est arrivé même à se sentir reconnaissant d’être en vie et en pleine possession de ses capacités physiques et mentales. Une chaleur humaine le submergeât, chassant toute mauvaise impression du début !


Canetti exprime son insatisfaction de dire, de se dire. Il a beau s’exprimer ce n’est jamais assez. Une source inépuisable, cela relève de la gageure que de dire cette ville :
« Dès que je me tais, je m’aperçois que je n’ai encore rien dit. »(p 27) ou encore « une substance qui tourne mes mots en dérision » (idem)
Cette interrogation sur la possibilité de la langue de représenter se manifeste tout d’abord, au niveau de la sensation. Dans la reconnaissance de nos semblables nous voyons la confirmation de l’exactitude de notre jugement qu’il vaut mieux traduire par perspicacité que par prudence, cette puissance d’un esprit pénétrant et subtil capable d’apercevoir ce qui échappe à un regard inattentif et qui fait la liaison avec la sorte d’action à entreprendre. Bien au contraire, il est un mode d’élargir sa pensée et de s’ouvrir à la pluralité.
Binebine, en revanche, exprime son incapacité de taire tout un héritage historique, idéologique, social relatif à la représentation de sa ville. Son dire est parfois marqué de sagesse, de nostalgie mais le plus souvent teinté d’un dégoût insurmontable, mêlé de fascination mais de répulsion aussi. A titre d’exemple, l’épisode relatif à la représentation du palais de la« Bahia », objet de fascination de son ami Antonio_ dont les photos illustrent ce présent ouvrage et constituent une autre représentation immédiate, instantanée sans fuir pour autant une certaine mise en scène_ « pour faire atterrir Antonio de son nuage, je lui racontai l’histoire de mon père, pensant louer les vertus de Ba Ahmed qu’il tenait en haute estime, (…). Le vizir, disait-il, était si gourmet qu’au milieu de chaque repas, on lui apportait une cuvette d’argent pour soulager son estomacs des mets fraîchement engloutis, une vidange indispensable pour pouvoir honorer les plats qui n’en finissaient pas de défiler. Cet immonde cérémonial était salué de l’assistance d’une fanfare de rots non moins dégoutante. Ba Ahmed pouvait ainsi répéter l’opération à l’envie… ».
Le dégoût que l’auteur laisse exploser dans ce chapitre, se transforme en une certaine catharsis libératrice d’un flux de dénonciation et d’un refoulé longuement ruminé par l’écrivain -enfant :
« Je fis remarquer à mon ami que la favorite aurait eu du mal à trouver un poème illustrant cette fâcheuse habitude. Les dignitaires étaient certes sensibles en matière d’architecture, mais le raffinement qu’Antonio cherchait à me vendre était pour le moins contestable. Cette engeance, vile et méprisable, serait aujourd’hui poursuivie pour pédophilie et esclavage si l’on regardait de près l’age des concubines et des mignons qui peuplaient ses harems. L’arbitraire de son pouvoir féodal et corrompu, dont on traîne encore les boulets, nous a jeté pour une durée indéterminée dans les affres du Moyen- Âge. Oui j’avais dit (ce que je n’avais pas su dire à mon père) tout le mal que je pensais de ces suzerains qui incarnaient à mes yeux l’arantèle dans laquelle nous nous débattons encore, et qui continuent de faire des émules dans nos villes et campagnes. » (p 74-75)

Représentation et Stéréotypes


Premier moment

La définition du voyage comme tout à la fois pratique essentielle de saisie, du monde sensible et discours sur cette saisie autorisait en effet le rapprochement des trois disciplines : l’histoire, la littérature, la géographie. Plus encore, la définition du voyage comme déplacement dans l'espace caractérisé par la rencontre de l'autre commandait l'appel aux spécialistes des représentations de l'espace et de l'altérité, aux côtés des praticiens de l'histoire culturelle. Trois pistes sont ainsi exploitées et proposées aux voyageurs et écrivains futurs : l’attention au dedans, à l’intériorité ; un regard attentif à l’imaginaire, au rêve que peut susciter la découverte du « réel » ; le travail de l’écriture toujours à même de recréer le monde, de le renouveler.

Passage obligatoire pour la connaissance de soi est la rencontre de l’autre, qui est le miroir de soi ; le voyage nous enseigne ainsi à faire face aux difficultés de la vie et aux souffrances qu’elle engendre. Tant il est vrai pour arriver à soi, il faut passer par l’autre, ce passage (apprentissage) ne se faisant pas toujours sans douleur.
Les "horizons du voyage" ,qui sont ainsi proposés sont certes différents mais les méthodes pour y parvenir peuvent être rapprochées: un voyage de disparition qui mène au monde extérieur pour Canetti, au "lointain intérieur" pour Binebine; une présence du narrateur corrigée par une certaine discrétion ; un humour indéniable; un travail extrême du moyen d'expression; un renouvellement du texte grâce à un savant "mélange de genres"; un talent de portraitiste; le sens de la poésie, l’aveu des déroutes et des défaites, etc. Représentations ainsi que lieux communs littéraires sont au rendez-vous.

Selon la conception philosophique classique, la représentation a pour office d’indiquer ce que l’on se représente. Ainsi le dictionnaire Robert l’entent-il comme « le fait de rendre sensible (un objet absent ou un concept) au moyen d’une image, d’une figure, ou d’un signe » ; il s’agit de faire voir, de mettre devant ses yeux. La pensée semble aller de pair avec l’image. Qu’est-ce qu’en l’occurrence l’image ? Elle apparaît comme une reproduction et porte donc en elle l’idée d’un objet qui serait son référent. Elle impliquera un regard, un potentiel de projections et d’associations à son égard donc, de l’espace réservé à du tiers et par ailleurs parmi les nombreuses pensées qu’elle soulève, l’on peut retenir qu’elle est une découpe singulière et que dans cette mesure, elle exclut toute autre scène, tout en portant toutes sortes de scènes en elle puisque sa fonction même est de susciter des transferts.
Ce sont ces modalités d'écriture qui permettent de dire le monde, de le traduire en le recréant mais aussi celles qui permettent de faire rêver le lecteur que nous tentons de cerner plus précisément, en insistant sur le caractère novateur des pratiques: Canetti comme Binebine parviennent en effet à "réinventer le voyage", c'est-à-dire à "proposer des usages nouveaux afin que, n'importe où, le voyage demeure garant de sens ou d'exotisme quand ceux-ci ne sont plus donnés mais à retrouver ou à susciter" (Jean-Didier Urbain, Secrets de voyage. Menteurs, imposteurs et autres voyageurs invisibles).

Idée séduisante ainsi qu’originale que de comparer deux textes qui traitent du même espace : « la ville de Marrakech » selon la vision de deux générations d’écrivains de part et d’autre de la Méditerranée, dont les regards n’ont jamais cessé de se croiser.
Comment représenter l’autre sans user et abuser des clichés et des lieux communs inhérents à ce genre d’écriture ? Comment sentir cette réalité toujours en évolution et en fuite ? Comment représenter l’autre sans le réduire à une vision stéréotypée, fantasmée, dominée par des présupposés préétablis par une littérature cloîtrée dans les certitudes littéraires ? Par quels moyens alors peut-on entrer dans cette citadelle souvent verrouillée ?

Pour Elias Canetti autant que pour Mahi BINEBINE le regard, la voix seront les moyens communs pour une tentative d’aller vers l’autre, que ce soit de l’extranéité ou de l’intériorité, de sonder sa profondeur et peut-être exorciser ses propres démons. Exercice fascinant, douloureux pour le premier, étranger effectif de la ville,qui essaie de la découvrir dans son intensité à travers ses voix dans Les voix de Marrakech ; doublement douloureux pour l’autre, natif de la ville, et qui donc ne se limite pas à la mimesis. L’héritage est la meilleure source d’inspiration. Originaire de Marrakech, notre écrivain a grandit dans ses ruelles et s’est abreuvé de la tradition oratoire de la grande place Djamaa el fana, notamment par la voix du griot, personnage dont le récit porte le nom . Ainsi Le griot de Marrakech est-il plus qu’un récit où la deuxième et la troisième force de la littérature dominent (mathesis et semiosis), mais aussi un travail de la mémoire chargé par des symboles, des signes et des repères autobiographiques. En effet, autrefois, près de chaque patriarche, roi ou empereur se trouvait un griot. Celui-ci avait pour rôle d’être le messager, le porteur de la voix de celui ou de ceux qu’il servait. Il était le témoin privilégié des grandes séances de décisions socio-politiques chez les rois et empereurs. Lui et ses descendants relataient l’histoire dont il a été témoin. Le griot de Marrakech, sera pour le lecteur, cette voix intarissable qui raconte la ville, la recrée, l’enrichit par une multitude d’anecdotes et d’images saisissantes. Mieux encore qu’un guide touristique c’est une parole qui dit un espace. Mais comme toute parole est une subjectivité, jusqu’à quel point la représentation de Marrakech fuira –t-elle la représentation stéréotypée ?
Chez Canetti, le voyage ou la rencontre avec l’autre devient champs d’investigations, de recherches et d’expérimentations. Un nouvel Ulysse explorant des univers sociaux réalistes. D’un autre côté, le fait d’explorer un espace à travers ses voix ou la voix nous pousse à réfléchir sur les véritables motivations de l’écrivain. En effet, c’est un voyage qu’il effectue vers le sud, un voyage qui est le contraire de l’itinéraire parcouru avec sa famille dans son exode vers le nord, fuyant l’Espagne. Cette quête effrénée des voix, n’est elle pas une excuse pour se chercher soi-même, plonger dans ses racines juives, se chercher et se donner sens ? Finira-t-il par se retrouver comme il l’affirme ici :
« J’avais l’impression d’être véritablement ailleurs, parvenu au terme de mon voyage. Je n’avais plus envie de m’en aller. Je m’étais déjà trouvé ici, il y avait des centaines d’années, mais je l’avais oublié. Et voici que tout me revenait. J’y trouvais offertes la densité et la chaleur de la vie que je sentais en moi-même. J’étais cette place et je crois bien que je suis toujours cette place. » (p53)
Cette petite place, au cœur du mellah, sera baptisée par l’auteur « le cœur », son propre cœur qui n’a jamais cessé de battre pour l’autre, pour le même, pour l’identique, en un mot, pour l’Humain.

mercredi 28 octobre 2009

Tonalité



...
Ô tonne, saison de ma naissance,
Automne, saison des finitudes et tous les commencements
Au/à la tonne, les fruits s’offrent rouge passion
Ton sur ton
Le ciel fauve s’embrase, s’enflamme, se voile de poussière de semence
La terre, surfaces topologiques, se pare, se prépare à toutes les fécondations
Le vent dévoile, arrache la pudeur , se charge de ses particules et part loin déposer son butin.
...
Le tore surface sans bord, surface close à une seule face
répétition,"fasl" après "fasl"
boucler la boucle...
La demande fait le tour du tore, ne saisit qu'un vide,
se répète différente d'elle-même:
A se répéter elle finit par faire tout le tour du tore
et n'a ainsi que le contour
Privation
...

lundi 19 octobre 2009

Traces écrites, tatouage et le reste



Rêvée princesse
 marchant pieds nus
sur un chemin  fondant, initiatique soit-il
Trace après trace, corps plume tatoue le sable
 gravure éphémère,
  douleur, blessure que la mer clémente effaça par une caresse
vague, douceur salée, froide se réchauffant au toucher princier
gloire, le paysage se déplia
corps bafoué, torturé , écrasé sous le poids
 mille et un pas
Souffre-t-elle, cette surface lisse, les milliers et une piqure sur sa peau radieuse?


trame se construisant se déconstruisant
sans héros, sans lyre


corps plume s'écrivant tout en s'effaçant
 fragile
 crayon noir, premier instrument
premier pigment du tatouage écolier
sur une page planche
tissu se tissant fil par fil
 immaculée blancheur que le ciel embrasa
métamorphose
en fil d'or




lumière éblouissante au bout du tunnel
la beauté hors d'elle criant à tue-tête
"Reviens ô généreuse, reviens, reviens"
l'eau glacée finit par la ramener
le corps se débâtit de ses poids,
bête de somme
 que de diables fut-elle habitée


le rayon grandit,la lumière  revint dans un fracas infernal
je reviens de l'éden 
le coeur d'une forêt dévastée
nulle trace

tout  s'annule, se déconstruit


plus de forteresse
plus de pont-levis
plus de princesse


Rien qu'un tatouage sur une peau imprenable...

mercredi 7 octobre 2009

Voix apaisante.



...
Sincérité qui serre, serre fort, pincement qui me vide le cœur
La douleur me submerge jusqu’à ce que je devienne douleur criarde frappante de raideur
Souffle coupé, l’air que je respire m’empoisonne de mille et une substances incolores pourtant puissantes. Effet immédiat, j’écris, je crie haut et fort,
tes paroles ont volé ce que j’ai de serein.

Ma pensée voyage dans d’autres contrées; vagabonde, panse mes plais. J’admire ma pensée qui fausse tout mécanisme offensant et efface les programmes malveillants
Il a fallu que tu me joues ta fausse note de sincérité.
Il a fallu que tu t’éloignes de moi, il a fallu que la démesure se mesure en petits coupons.

Je suis née d’une chanson d’automne, saison de finitude et de tous les commencements.

Sortir d’une maladie est toujours signe de victoire sur soi-même. La guérison est ainsi l’emblème d’un retour à notre véritable nature, à notre personnalité. Nous sommes, enfin, nous-mêmes.

Il faut donc veiller à ne pas nous égarer et surtout à ne pas égarer les autres.
...

lundi 21 septembre 2009

Langue des émotions.



.
Elle s’est réveillée un jour, a regardé autour d’elle et constata le vide et le désordre total. Comment a-t-elle pu dormir dans un fouillis pareil?

Quand elle y pense, c’est une partie de sa vie qui fut un entier tohu-bohu, des pensées pêle-mêle, des idées qui tourbillonnèrent autour d’un foyer vide d’elle l’avide, passionnée. Elle en vient à se poser une question vague, interrogation stérile dont la réponse s’enfouissait dans les temps anciens :
Les passions sont-elles causes de nos erreurs ?
La passion est-elle une erreur ?

Des moments comme celui-là, des moments d’une extrême lucidité, passent fugaces, un nuage furtif s’en allant féconder d’autres terres plus propices à enfanter l’espoir lunatique.
Elle n’est plus qu’une rumeur, une âme déchirée, un regard qui se dérobe derrière ses verres colorés, ce qu’il en reste puisqu’elle le perd au fil des jours.
Des rêves qui s’implantent dans une terre pauvre, dure, calcique, un complot meurtrier tueur d’idées.

Elle redélire. Elle en est consciente. Elle, qui se voit à travers un miroir rouillé, glace épaisse, ancienne, débris de tous les temps succédés sur terre. Elle n’est pas aussi vieille que cela, cependant elle le sentit dans sa démarche lourde et les premiers cheveux blancs qu’elle n’eut pas.

Ses rêves furent un leurre sur des voies escarpées qui s’oublient sur les collines du renoncement où loups et louves hululent (pauvres oiseaux nocturnes).
« Oui, Srisser dehbou est passée par là ».

Que de collines aux couleurs du spectre lumineux : vert espoir, jaune d’or, rouge sanglant de colère, noir cendre, blanc néant (le non-être a-t-il une couleur ?), bleu ciel, marron terre,… où habite-t-elle (tintement d’or) kidnappée par l’ogre qui dort cent ans, se lève subitement et sauve les amants en fuite des châtiments qui leur sont réservés par le sort déchaîné ?

Fuir quand on est né cheval, alors qu’un coq et un cochon sont sur selle, on se demande pour quand la chevaline de grippe ? L’élément feu s’en mêle, elle n’est plus d’aucun lieu.
La Aile vole en corbeau, agora électrique, se pose sur une épitaphe :
« Ici repose la princesse Vampire, ancêtre du comte Dracula »
Voie du souvenir…

Et je trace.

Elle n’est qu’un soupçon d’existence. Un dernier soupir, un naufrage, une dernière promesse de pluie.
Puisse-t-il pleuvoir des coccinelles ou Ladybird,
Le choix vous revient
Entre langue et tongue !
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